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Le vote par la commission des finances du Sénat d’un amendement réduisant l’impacte du crédit d’impôt international et des soficas est très inquiétant. Certes, même si le Sénat adopte à son tour cet amendement, il est probable que, de toute façon,  le gouvernement y sera défavorable et l’imposera, ne serait-ce que par le 49-3, à l’Assemblée Nationale qui a le dernier mot en la matière.

Pour les soficas cet amendement abaisse le taux de réduction de l’impôt sur le revenu des particuliers qui y investissent de 48 % à 36% et baisse le plafond de cette réduction de 18 000 € à 15 000€. En ce qui concerne le crédit d’impôt international que le gouvernement veut proroger jusqu’à fin 2026 il propose de ne le proroger que jusqu’à fin 2024.

L’inculture économique d’une commission censée être en charge des finances de notre pays

Ce qui inquiétant c’est tout d’abord l’inculture économique dont font preuve les membres de cette commission censée être en charge des finances de notre pays , et tout particulièrement de son rapporteur général, auteur de l’amendement. En effet, pour justifier cette mesure il fait état de l’amélioration de la situation du cinéma et de l’audiovisuel depuis la sortie de la crise sanitaire.

Or, en ce qui concerne le cinéma, la fréquentation qui n’était que de 150 millions de spectateurs en 2022 devrait remonter à 180 millions cette année. C’est un progrès, mais on est en-dessous des 200 millions qui était le plancher des années pré-covid et qui sont nécessaires pour assurer la rentabilité de notre parc de salles et de l’écosystème de la production. Et l’année prochaine devrait marquer un recul avec le maintien d’une production américaine réduite, suite aux grèves qui ont bloqué sa production. Et aussi, avec la Coupe d’Europe de foot-ball et les Jeux Olympiques qui auront lieu sur notre territoire.  La réduction des sources de financements de la production de film français serait un facteur aggravant.

Par ailleurs, notre site Cinéfinances-info* illustre chaque semaine le rôle fondamental des soficas dans le financement des films à budget moyen. Certes, beaucoup d’entre eux sont des échecs commerciaux parce que le cinéma est une industrie de prototype, à l’instar de la recherche pour l’industrie. Les échecs sont intrinsèques à leur modèle économique. Les abattements fiscaux sont un outil très efficace pour inciter les particuliers à prendre le risque d’y investir tout de même.

Bien plus, pour pour le crédit d’impôt international le rapporteur parle de « l’effet  d’aubaine » pour les producteurs que peut constituer son maintien  à son niveau actuel.Or, toutes les études ont démontré que, non seulement les avantages fiscaux que l’État accorde sont plus que compensés par les impôts et charges sociales qu’ils génèrent. Sans parler évidemment de la création d’ emplois, de l’augmentation du PNB et des exportations qu’ils génèrent et qui sont les objectifs de la politique économique de l’État. L’effet d’aubaine pour l’État ne devrait-ils pas être pris en compte par ces sénateurs ?

En contradiction avec le « Plan Studio »

Enfin, n’oublions pas qu’â la suite de mon rapport « Les studios de tournage, un enjeu primordial pour la production française » https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/rapport/les-studios-de-tournage-un-enjeu-primordial-pour-la-production-en-france_990068 , l’État a décidé de lancer un « Plan studio », dans lequel il est prêt â investir 350 millions € pour enfin doter les France des grands studios indispensables pour permettre l’explosion attendue de la production des films et des séries en France, notamment des grandes productions étrangères. Or, une des faiblesses de la France est qu’elle a choisi de financer presqu’intégralement la sécurité sociale par une taxation de l’emploi. Son niveau  élevé de charges sociales renchérit considérablement les tournages sur notre territoire et  le CII permet de compenser ce renchérissement et de nous mettre au niveau de nos concurrent. Mais, là encore, nos sénateurs n’ont pas fait le rapprochement.

Bien entendu, comme nous l’avons dit cet amendement a peu de chance d’aboutir. Mais il indique qu’une partie de la classe politique française, qui peut devenir majoritaire demain, serait, comme cela est arrivé souvent par le passé et quelles que soient ses motivations, prête à prendre des mesures qui auront l’effet inverse de celui recherché.

Le combat de la culture qui rassemble avec les réseaux sociaux qui isolent

Plus grave encore, ce vote semble être le révélateur d’une tendance populiste d’un pan de notre classe politique qui estime que la culture est faite par et pour les élites. Elle ne doit doit aucunement être soutenue par l’État. Un point de vue qui les conduits à ignorer le grand défi que notre société doit affronter : le combat de la culture (films de cinéma, séries, documentaire) qui rassemble les citoyens autour de sujets communs et qui les  amène à une réflexion partagée  contre les réseaux sociaux qui les isolent et désintègrent notre société.

*www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.