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Analysant les résultats des élections américaines lors du dernier sommet européen, le président Macron a rappelé à ses collègues que, dans un monde composé d’herbivores et de carnivores, mieux vaut être un carnivore qu’un herbivore. Un de ses collègues lui a répondu que le plus puissant animal de la terre, qu’aucun carnivore n’ose attaquer, est un herbivore : l’éléphant. Une remarque qui signifiait à l’évidence que la survie des pays européen dépendait de leur volonté de faire de l’Europe la première puissance économique, politique et militaire du monde. Or, on peut ajouter que cette volonté se manifestera dans leur capacité à être une véritable puissance dans le monde audiovisuelle et cinématographique.
En effet, si les États-Unis ont toujours réussi à être la première puissance du monde dans ces trois domaines, c’est qu’ils ont toujours eu celle d’être la première puissance du monde dans ce dernier secteur. Ainsi, en 1948, ils ont conditionné le Plan Marshall d’aide économique à la reconstruction de l’Europe aux accords Blum-Byrnes, obligeant les pays bénéficiaires à la libre diffusion des films américains qui allaient répandre la vision américaine du monde aux populations européennes.
Les pays européens ont rėagi en soutenant leur cinéma. La France l’a fait avec la stratégie la plus performante, car elle consistait à soutenir non seulement la production des films français, mais aussi la diffusion de ces films en soutenant les distributeurs et les exploitants français. Cette stratégie a ensuite été adoptée pour la télévision. Puis l’Europe a soutenu les coproductions européennes dans le cinéma et l’a télévision, pour contribuer à créer une culture européenne.
Mais les chaînes de télévisions sont nationales. Or, elles sont désormais en concurrence avec des plateformes à diffusion internationale, qui  ont toutes leur siège aux États-Unis. Face à elles, les télévisions et le cinéma européens, comme toutes les chaînes de télévision américaines et même le cinéma américain sont des nains. Et ces plateformes sont des nains comparées aux réseaux sociaux qui, eux aussi sont tous implantés aux États-Unis. Et le propriétaire de l’un des plus puissants d’entre eux, Elon Musk, principal soutien de Donald Trump, ne voit rien de mal à ce que les algorithmes de X favorisent les mensonges, la haine et la violence puisque c’est ce qui assure la plus forte audience de son réseau.E.t, en fait, sans le reconnaître aussi clairement, les autres réseaux sociaux ont la même philosophie
La France est sans doute le pays européen le plus conscient de ce défi, comme le prouve le rapport commandé par le CNC sur « Les équilibres de l’industrie audiovisuelle et cinématographique à l’heure des grandes plateformes de vidéo à la demande ». Mais ce rapport est déjà en retard d’une guerre puisqu’il ne parle pas des réseaux sociaux et qu’il ne fait pas allusion à You tube qui se présente déjà comme la première chaîne de Tv de France.
Certes, pour l’instant ces réseaux sociaux ne produisent pas des œuvres. Mais s’ils asphyxient tous ceux qui en diffusent, ils deviendront bientôt les maîtres de la création comme ils sont en train de devenir les maîtres de l’information.
Si nous acceptons de reconnaitre cette réalité, restera ensuite à convaincre nos partenaires européens qu’ils ne seront plus que de petits herbivores dans un monde de carnivores s’ils ne savent pas gagner cette bataille des médias. Or, la plupart d’entre eux se contentent d’aider au mieux la fabrication d’œuvres sur leur territoire, sans même se préoccuper de savoir qui les initie, ni surtout, qui les possède et en contrôle la diffusion. Quant aux réseaux sociaux ils les assimilent à des conversations téléphoniques qui, pour des démocrates, doivent rester libres. Réveillons-nous. Et faisons de l’Europe un éléphant dans ce monde de carnivore.

L’industrie du cinéma et de l’audiovisuel n’a pas saisi à quel point les GAFA représentent un énorme potentiel de recettes encore en friche.

Tout d’abord, les plates-formes mondiales de S-Vod ne sont pas tenues de  rendre public le détail de l’audience de chacun de leurs contenus que pourtant elles possèdent : vus, durée, territoires, public, etc… Elles s’engagent parfois contractuellement à en fournir une partie au fournisseur d’un contenu, mais pas de permettre l’accès de tous les professionnels à la totalité de ces informations, à travers un équivalent de Médiamétrie, comme le font les chaînes gratuites. Au contraire, tous les exploitants de salles de cinéma fournissent à Comscore, auxquels peuvent s’abonner les distributeurs et tous les professionnels, leurs entrées (et, aux États-Unis, leur chiffre d’affaires).

Certes, les audiences des chaînes doivent être impérativement fournies aux annonceurs et les entrées des salles aux distributeurs pour négocier les détails de la programmation. Mais ces informations permettent aussi à tous les professionnels d’avoir une idée précise de la valeur économique des contenus et des talents.

Pourtant, cette obligation de fournir toutes les données d’audience des S-Vod existe déjà en Suisse, comme l’a rappelé le distributeur Laurent Dutoit aux journées de l’exportation. https://siritz.com/editorial/exportation-laudiovisuel-plus-important-que-le-cinema/

La France qui s’enorgueillit d’avoir l’écosystème que toute l’Europe nous envie n’a même pas abordé la question. Elle pourrait suivre l’exemple de la Suisse. Mais elle devrait surtout agir pour faire compléter la directive SMA par cette obligation.

Plus important encore est l’absence de régulation sur le marché des réseaux sociaux. Certes, You tube permet de créer des médias audiovisuels qui ont toutes les caractéristiques des chaines de télévisions et des radios. Leur audience est publique ce qui permet d’assoir la facturation aux annonceurs. Et qui permet aussi  à toutes les sociétés gérant les droits voisins de se rémunérer.

Mais Facebook, Twitter, Instagram et autres TikToK constituent de puissants outils de promotion pour les chaines de télévision, les radios, leurs programmes et les films de cinéma. Or, une partie importante de leurs recettes publicitaires est générée par ces contenus et reste du domaine de la jungle.

Les multiples représentants des propriétaires de contenus et des sociétés gérant les droits voisins sont des nains face à ces géants mondiaux. La loi, et, là encore, surtout une directive, devrait obliger ces géants à fournir toutes les informations dont ont besoin les ayants-droits pour assoir une rémunération sur les recettes des réseaux sociaux.

En fait, ces derniers cherchent toujours à se faire passer pour des sociétés de télécommunication qui ne font que transmettre des communications. Alors que ce sont des médias dont les algorithmes permettent de multiplier et d’orienter ces communications et que cette activité enrichie. Dans cette optique, ils doivent être obligés de rémunérer tous les ayants droits en fonction des chiffres d’affaires que ceux-ci leurs permettent de générer.

Avec le même raisonnement, la passionnante  série suédoise « The Playlist » diffusée par Netflix, sur l’histoire de Spotify, raconte comment ce site a sauvé l’industrie de la musique. Mais aujourd’hui il enrichit ses actionnaires, les plus grandes stars de la musique et, surtout, les majors du secteur. Mais la masse des chanteurs et compositeurs, même s’ils ont du succès, ne peuvent vivre des revenus de Spotify ou de ses concurrents, car ceux-ci et les majors leurs affirment qu’être écoutés sur leur site constitue une promotion pour la vente de leurs CD ou de leurs concerts. La série démontre que les pouvoirs publics doivent intervenir pour mettre fin à cet abus de position dominante. https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Playlist