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Avant l’annonce de la dissolution, la ministre de la Culture, Rachida Dati, avait l’intention de soumettre au vote du Parlement une loi fusionnant au sein d’une holding les trois entreprises publiques de l’audiovisuel : France télévisions, Radio France et l’INA. Tout ce qui concerne l’audiovisuel public est évidemment d’une importance capitale pour notre pays, d’abord pour notre cinéma, dont il est une source de financement essentiel et , surtout, pour l’ensemble de nos médias, alors qu’avec les plate-formes et les réseaux sociaux ceux-ci sont devenus un élément essentiel de notre économie et de notre démocratie.

Or, sur son passionnant site internet « Après la révolution numérique » l’économiste des médias, Alain Le Diberder, souligne dans un article intitulé « L’économie cachée de la réforme de l’audiovisuel public » que celle-ci ne s’appuie sur aucune analyse économique préalable. »https://alain.le-diberder.com/leconomie-de-la-reforme-de-laudiovisuel-public/ A priori cette fusion devrait permettre de faire des économies d’échelle. Or, au contraire, l’article démontre qu’elle va accroitre les dépenses de l’audiovisuel public.

Tout d’abord cette réforme n’aborde en aucune façon le financement à long terme de celui-ci qui, à la différence de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, reste incertain depuis la suppression de la redevance. Pour l’instant, de manière provisoire, il est assuré par l’attribution d’une fraction de la TVA perçue par l’État. Or, ainsi que le souligne Alain le Diberder,  la maîtrise du déficit public de la France étant une priorité répétée, « il est peu probable que l’État s’engage de manière crédible à un financement garanti sur le moyen terme. »

En fait, « cette fusion va entrainer des surcoûts inévitables quoique difficiles à chiffrer. » Rappelons que La Cour des comptes notait en 2016 que la fusion, en 2009, des chaînes de télévision publiques au sein de France télévisions avait nécessité deux plans de réduction d’effectifs qui avaient coûté 56 millions €. Et, qu’en outre, un accord avec les représentants des salariés renchérissait la masse salariale de 31,7 millions € par an.

Il est en fait certain que trois sources de dépenses supplémentaires seront inévitables :

  • le coût de la holding, même si celle-ci ne sera que provisoire
  • Les coûts de l’harmonisation des contrats de travail estimée à 20 ou 30 millions € par an
  • Le coût de la réorganisation. Celle de 2009 avait coûté largement plus que les 40 millions € annoncés par son PDG en 2010.

En somme, comme France télévisions a passé, avec les organisations professionnelles, jusqu’en 2028, des engagements précis   d’investissement dans le cinéma et la production d’oeuvres audiovisuelles, il devra y avoir des économies ailleurs. C’est à dire dans les émissions de flux, d’information, dans les droits sportifs et dans les programmes de radio.

Cette constitue donc de la pure gesticulation pour que la ministre de la Culture puisse dire qu’elle a agi et mettre son nom sur une loi « historique » . Certes, avec le  développement des plates-formes et des réseaux sociaux il est plus essentiel que jamais d’avoir un secteur public de l’audiovisuel fort. Mais  la  priorité devrait être de lui trouver une financement à long terme pérenne, à l’image du Royaume-Uni et de l’Allemagne. Le projet de loi se garde bien d’apporter une solution à ce véritable problème. C’est assez fréquent des actions de l’État français dès qu’il s’agit d’économie et il est peu probable que le prochain gouvernement y change quelque chose.