Bercy cherche non plus 10 mais 20 milliards d’euros d’économie dans les dépenses de l’Etat. Il serait étonnant que, parmi les secteurs où il pense pouvoir en trouver, ne se trouve pas le cinéma et l’audiovisuel.
Mais si c’est le cas de quelles dépenses pourrait-il s’agir ?
Tout d’abord dans celles du CNC, celles-qui sont alimentées par la taxe additionnelle sur les recettes. Celle du cinéma qui est de 10,7% et celle de l’audiovisuel qui est de 5,5%. Celle du cinéma est l’un des plus brillant outils d’intervention de l’État puisqu’il explique la résilience du cinéma français, qui, par son réseau de salles et ses films est, de loin, le premier d’Europe. C’est en effet, à la fois un droit de douane sur les films étrangers, à commencer par les films américains, et une épargne forcée pour les producteurs, distributeurs et exploitants qui ne peuvent en bénéficier que s’ils investissent les aides automatiques qu’ils ont générées ou les subventions auxquels ils ont droit. Pour réaliser des économies l’État pourrait tout simplement ponctionner une partie de ces soutiens. Il pourrait faire de même pour le soutien à la production des oeuvres audiovisuelles.
La question est de savoir s’il va réduire le soutien automatique qui, dans le cinéma, est inversement proportionnel aux entrées des films, ou le soutien sélectif qui bénéficie avant tout aux productions à petit budget. Le choix pourrait être une occasion de mettre en cause notre actuel système de soutien au cinéma qui incite à la multiplication des films à petit budget et aux performance limitées plutôt qu’à celle des films à fortes entrées. Rappelons en effet que, en ce qui concerne l’aide automatique à la distribution, celle-ci est plafonnée à un million d’entrées. C’est à dire que, au-delà du million d’entrées, les recettes d’un film français continuent d’être soumise à la taxe additionnelle de 10,7% mais ne bénéficient plus d’aucun soutien automatique. Ces films sont donc traités comme des films étrangers et ne bénéficient donc plus des avantages de l’exception culturelle. Cette stratégie pourrait être l’une des explications de la disparition de nos films français événements et de notre balance commerciale très déficitaire.
Par ailleurs, le CNC dispose d’une trésorerie non négligeable qu’il doit être particulièrement tentant de ponctionner, d’autant qu’elle ne serait pas ressentie par les bénéficiaires du CNC.
En revanche il est peut probable que Bercy augmente la TVA du cinéma, de 5,5%, même s’il est le plus bas. En effet, il ne cesse de répéter qu’il ne va pas augmenter les impôts.
Reste le crédit d’impôt. Le bruit court qu’il envisage de réduire les crédit d’impôt recherche, un secteur qui, pourtant, reste un des points faibles de la France. La réduction du crédit d’impôt des emplois à domicile semble actée. Elle s’analyserait comme une augmentation des impôts de personnes relativement aisées. Le crédit d’impôt à la production en France cinéma et de l’audiovisuel semblerait également étudié. Pourtant il est justifié par le fait que la France est un pays cher, du fait de ses charges sociales très élevées et de sa durée de travail. Le réduire serait entrainer des délocalisations, donc une réduction des emplois et, donc, des impôts prélevés par l’État et des recettes de la sécurité sociales. L’État finirait par dire que son déficit s’est creusé non du fait de l’augmentation de ses dépenses, mais parce que ses recettes ont été moins élevées que prévues.
Surtout, cette incitation aux délocalisation serait en complète contradiction avec l’objectif de créer des grands studios de tournage qui est l’une des priorités du plan de ré-industrialisation de la France pour 2030. https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/lancement-de-lappel-a-projets-france-2030–la-grande-fabrique-de-limage–sur-les-studios-et-la-formation_1673805
Ce qui est surprenant c’est que ni les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, ni le CNC ne semblent avoir encore mis cette menace à leur ordre du jour. La ministre de la Culture l’a forcément. Mais elle aura du mal à se battre si elle n’y est pas fortement poussée par le secteur.
Ces craintes sont peut-être infondées. Mais mieux vaut prévenir que guérir. Le boulet est plus facile à stopper avant qu’il ne parte.