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Pour être globalement rentable le cinéma en France, il a besoin de  maintenir au-dessus de 200 millions d’entrées par an. Et, pour ce, comme on l’a vus, il a besoin de films événements qui rassemblent bien plus de 5 millions de spectateurs. https://siritz.com/editorial/a-quand-des-films-evenement-francais/  Hollywood semble en mesure de continuer à nous en fournir, même si les majors se rendent compte que les superhéros ont passé leur temps. Mais il n’y a plus eu des véritables films évènements français depuis 2018, c’est-à-dire il y a 6 ans. Et encore, il s’agissait de suites de gros succès innovants : « Les Tuche 3 » (5,7 millions d’entrées) et « La Ch’tite famille »  (5,6 millions) où  l’on retrouvait Dany Boon  et les Ch’tis, en prolongement de « Bienvenue chez les cht’is », le colossal succès de 2008, avec  20,5 millions de spectateurs.

Or, ce qu’il faut noter, c’est que tous ces films événements français sont des comédies. A l’exception des films de Luc Besson qui, comme la plupart des blockbusters américains-à l’exception de chefs d’oeuvre d’animation et de « Barbie »- sont presque tous des films d’action.

En fait, avec toute l’anxiété que l’actualité génère, il est clair que ce constat  est plus vrai que jamais : le public cherche avant tout à trouver des raisons de rire pour se détendre.

Mais pour largement dépasser les 5 millions d’entrées, voir les pulvériser, il faut réunir tous les publics. Non seulement un public âgé (50 ans et plus), qui procure en général près de 40% de nos entrées, mais toutes les catégories d’âge. Pour être un film événement une comédie doit évidemment être vraiment très drôle.  Mais cela ne suffit pas. Si on analyse les grands succès passés, on constate qu’ils abordent tous des faits majeurs de notre société, ceux dont on parle au café avec ses amis, à dîner en famille, à la cafétéria des étudiants ou de l’entreprise et même dans la cour de l’école.

Prenons un exemple. En 2014 la fréquentation a dépassé les 209 millions d’entrées, un des trois plus forts scores du siècle.  Les 4 premiers du box-office étaient des films français, ce qui était un événement marquant. Les 3 premiers étaient des comédies et le 4ème , « Lucy », un film de Luc Besson (5,2 millions d’entrées). Or les 3 comédies abordaient toutes des maux de notre société que l’on pourrait traiter sur le mode tragique. « Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu » a pulvérisé les 10 millions d’entrées en en atteignant 12,4. Il traite, évidemment avec humour, du racisme et des mariages mixtes.  « La famille Bélier » atteint 7,7 millions d’entrées. Il tourne autour de l’incommunicabilité entre des individus sourds et des individus normaux. « Hypercondriaque » traite, avec humour, des effets de deux graves maladies : l’hypercondrie et la paranoïa.  On pourrait faire le même constat des grandes comédies françaises à succès des années précédentes, de « Intouchables » à « Bien venue chez les Ch’tis ».

En somme les films événements français sont des comédies qui abordent de véritables faits de société, c’est à dire des défis sérieux et souvent pénibles auxquels est confrontée notre société, c’est à dire nous « collectivement ». Mais ces films trouvent un angle pour en faire rire, provoquant une sorte de catharsis.  Par opposition aux comédies où les héros rentrent dans un engrenage de tuiles qui déclenchent le rire parce que l’on s’identifie individuellement à ceux qui les subissent, tel « Le Sens de la fête » et ses 3 millions d’entrées.  Ces dernières peuvent être très drôles mais n’ont jamais le même succès.  On trouvera peut-être des contre-exemples à ces constatations, mais pas pas ces dernières années.

Le cinéma en salle est, on le sait, un marché d’offre. Les performances du Printemps du cinéma (à 5 € la place) de cette année le rappellent : avec seulement 1,7 millions d’entrées en trois jours c’est le plus faible score depuis la création de la manifestation.

Depuis le début de l’année la fréquentation cumulée est à environ 15% de moins que celle  de l’année dernière à la même époque qui, jusqu’au dernier trimestre, était partie pour dépasser les 200 millions d’entrées enregistrées 8 années sur 10 de 2010 à la Covid.  Depuis 2010, si le nombre d’établissement était resté stable, celui du nombre d’écran avait progressé de 15%. Le passage au numérique avait réduit les coûts de distribution des films, et, après un investissement de départ, réduit les coûts de fonctionnement des salles. Le nombre de film distribués chaque année n’a cessé de se situer entre 700 et 800, dont entre 250 et 300 films français.

Après les années 2020 et 2021, fortement marquées par la crise de la Covid, l’exploitation a repris son cours normal en 2022. Mais elle a été marquée par le manque de films américains. Ceux-ci avant la Covid, représentaient en moyenne au moins 50% des entrées, les films français en moyenne 40%. Comme on le sait, alors que notre production n’a jamais cessé, la production américaine a été suspendue pendant l’épidémie. L’absence des blockbusters de Hollywood a fait chuter les entrées à 150 millions en 2022 et 180 en 2023. Mais l’année dernière, la suite de « Avatar » a rassemblé 14,2 millions de spectateurs, soit presqu’autant que le premier opus sorti en 2009. C’est dire qu’il y a toujours un public aussi nombreux pour se presser aux films évènements.

L’année record de ce siècle, et même depuis plus de 50 ans, était 2011 avec 217,2 millions de spectateurs. Or ce résultat était dû à deux blockbusters français : « Intouchables » (19,5 millions d’entrées) et « Rien à déclarer » (8,5 millions d’entrées). Les 209,1 millions d’entrées atteints en 2014 étaient dus aux 4 champions du box-office de l’année qui était tous des films français : « Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu » (12,4 millions d’entrées), « Une famille Bélier «  (7,7 millions d’entrées), « Supercondriaque » (5,2 millions d’entrées) et « Lucy » (5,2 millions d’entrées). Quant aux 213 millions d’entrées de 2019, ils étaient dus à trois films américains qui se situaient entre 6,7 et 9,8 millions d’entrées, mais aussi à « Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon dieu » qui avait également rassemblé 6,7 millions de spectateur.

Depuis 2023 les films français ont retrouvé leur niveau global d’entrées d’avant la crise du Covid. Mais ce qui est frappant c’est qu’aucun d’entre eux n’a réussi à atteindre les 5 millions d’entrées. Le champion français de l’année, « Asterix et Obelix, l’empire du milieu » n’en étaient qu’à 4,6 millions d’entrées.

Les résultats du second « Dune » comme du « Godzilla versus King-Kong », qui sont bien meilleurs que ceux de leurs prédécesseurs, s’expliquent sans doute en grande partie par l’absence de véritable concurrence :  ils réalisent leur score sans faire monter la fréquentation qui reste inférieure à celle de l’année dernière.

Cela signifie que le public français est dans l’attente d’une nouvelle génération de films évènements français qui vont largement dépasser le plafond actuel des 5 millions d’entrées, voir atteindre les 10,  les 15 et même les 20 millions d’entrées. Le public attend. Par le passé des producteurs et des réalisateurs ont toujours trouvé le moyen de les satisfaire.