En France comme aux Etats-Unis les pouvoirs publics font sauter d’importantes interdictions
La dérive des continents continue dans l’économie du cinéma en France et aux Etats-Unis. Les pouvoirs publics viennent ainsi de supprimer des garde-fous totalement périmés. https://siritz.com/le-carrefour/marc-tessier-sur-les-bouleversements-actuels/
Les distributeurs de films peuvent diffuser leurs spots à la télévision en France
En France, les distributeurs de films peuvent désormais diffuser leurs spots de promotion à la télévision. Jusqu’ici, partout ailleurs, le petit écran était un important média publicitaire pour les films de cinéma Sauf en France. En effet, la majorité des distributeurs et des producteurs avait réussi à convaincre les pouvoirs publics d’interdire cette possibilité. Pour justifier cette position malthusienne ils avançaient quatre arguments.
Tout d’abord, selon eux, cette publicité profiterait avant tout aux films américains au détriment des films français. Parce que les spots des blockbusters étaient plus spectaculaires que ceux des films français et que les studios bénéficiaient de budgets plus importants pour l’achat d’espace. Et, d’une manière générale, cela ferait perdre le quasi monopole des films français sur ce media qu’ils utilisaient gratuitement, puisque les vedettes des films français qui sortaient étaient les stars des nombreuses émissions de flux des chaînes.
En second lieu la publicité à la télévision était autorisée, les chaînes pourraient conditionner l’invitation à ces émissions à l’importance de la campagne publicitaire sur leur antenne.
Troisièmement, les grandes chaînes étant également distributrices accorderaient des conditions plus favorables à leurs films.
Enfin, la publicité ã la télévision ferait exploser les budgets de promotion, car elle s’ajouterait à celle sur les autres media.
En ce qui concerne le premier argument, il repose sur le postulat selon lequel les entrées des blockbusters américains se font au détriment de celles des films américains. Or, la crise sanitaire prouve le contraire. Les films français n’ont pas profité de l’absence de films américains pour augmenter leurs entrées. On peut même dire que, sans ces locomotives, leur fréquentation a souvent été inférieure à ce qui était attendu.
En ce qui concerne le deuxième argument, il pourrait déjà être avancé contre les grands circuits qui ont les moyens de favoriser la diffusion des bandes annonces de leurs films dans leurs salles. Tout comme la programmation des films dans leurs salles en fonction de la publicité qui y est faite. Or, pour leur programmation, il est clair qu’ils ne tiennent pas compte des budgets publicitaires des films dans leurs salles. La publicité n’est d’ailleurs qu’une recette annexe.
Il en est de même, pour les chaînes de télévision pour lesquelles l’audience de leurs émissions est prioritaires et qui se suicideraient si elles subordonnaient le contenu des celles-ci au volume des annonces publicitaires.
Quand aux budgets publicitaires, l’apparition d’un media concurrent devrait plutôt inciter à une diminution des tarifs des autres média et à un ciblage plus précis des campagnes des distributeurs. Les indépendants ne pourront peut-être pas se payer des spots tv, mais les media traditionnels comme la presse, l’affichage et la radio auront intérêt à se montrer plus accommodants.
Le gouvernement français a prévu une période d’observation de 18 mois des effets de cette libéralisation. Mais il est probable que, d’ici là, il y aura eu tellement de bouleversements dans le secteur, que ce sujet sera totalement dépassé.
Fin du « Décret Paramount » aux Etats-Unis
Le deuxième assouplissement a eu lieu aux Etats-Unis. Le ministère de la justice a en effet abrogé le «décret Paramount» qui, depuis 1938, interdisait aux grands studios de posséder des salles. Il apparaît en effet tout à fait dépassé alors qu’il ne s’applique pas aux plates-formes de S-Vod. Ce sont ces dernières qui sont d’ailleurs le plus susceptibles d’acheter des salles pour imposer leur propre chronologie des media. C’est pourquoi le ministère de la justice donne aux studios la possibilité de prendre les devants.
En tout cas, le marché estime que des rachats auront bientôt lieu, car le cours de bourse des grands circuits, comme AMC ou Régal, a immédiatement augmenté. Il faut dire que, à la différence des exploitants français avant la crise sanitaire, les exploitants américains n’étaient déjà pas en bonne santé.