Un changement est nécessaire pour trouver de nouveaux partenaires
Selon nos analyses du montage du financement d’un certain nombre de films français, le producteur peut gagner de l’argent, et parfois beaucoup, avant même que le film ne sorte. Alors que, le plus souvent, ses partenaires investisseurs, une fois le film exploité, enregistrent une perte, et parfois importante.
Voir aussi le rapport Boutonnat : https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/rapport/rapport-sur-le-financement-prive-de-la-production-et-de-la-distribution-cinematographiques-et-audiovisuelles_990381
On ne peut qu’en féliciter les producteurs. Et peut-être les investisseurs savent-ils parfaitement ce qui les attend et renvoient-ils la balle, en remerciement d’une bonne affaire passée ou à venir. Par ailleurs, un producteur investit le plus souvent dans le développement de plusieurs films à la fois. Et tous n’aboutissent pas. Sans compter, comme pour toute entreprise, ses frais fixes.
Mais, les multiples techniques qui permettent ce type de marges ne sont pas fréquentes dans une industrie de plus d’un milliard de dépenses par an. Par exemple, le salaire et les frais généraux du chef d’entreprise sont fixés relativement librement et il peut les « investir » partiellement ou totalement «en participation ». De même, le crédit d’impôt a très efficacement permis de rapatrier en France des emplois qui étaient attirés à l’étranger par des salaires beaucoup plus bas ou des tax shelters généreux.
Mais il peut ne pas apparaître dans le plan de financement et constituer un bénéfice pur et simple. Certes, cela n’apparaît pas dans ses investissements et diminuera donc sa part des recettes. Mais s’il estime que celles-ci seront faibles, voir inexistantes, cela n’a pas beaucoup d’importance. D’autant plus que les premiers 150 000 € de soutien financier sont pour lui.
Enfin, un bon producteur établit un devis qui lui laisse une bonne marge de manœuvre. Et il rajoute 5 à 10% d’imprévus, qui constituent autant de bénéfices.
Les raisons des investisseurs
En fait, la plupart des partenaires investisseurs ont de bonnes raisons d’investir dans le film. Les chaînes par ce que, de toute façon, ce sont les pouvoirs publics qui leur imposent d’investir un minimum de leur chiffre d’affaires dans la production cinéma. Les régions parce que c’est un créateur d’emplois et d’image. Les soficas parce que leurs actionnaires bénéficient d’un énorme avantage fiscal et que, en général, elles veillent à être au premier rang des recettes. Bien entendu, pour les distributeurs de films, le média salle de cinéma continue à être rentable. Surtout, grâce au soutien automatique. Il y en a en effet quelques 120 et très peu disparaissent.
Certes, les films financés avec ces techniques sont minoritaires. Mais leur nombre n’est pas insignifiant et ils se situent plutôt dans les budgets moyens et élevés. En revanche, pour la majorité des films le producteur, doit « aligner » les sources de financement. Et les techniques citées ci-dessus servent, au contraire, à montrer que le film est financé, alors qu’ il l’est très difficilement.
Mais, à court terme, du fait de la crise, le chiffre d’affaires, et donc les investissements des grandes chaînes en clair vont sérieusement chuter. Et, à long terme, sous la contrainte de la concurrence des plates-formes internationales, leur audience, et, donc, leur chiffre d’affaires, va poursuivre son recul. Pour résister, elles vont, même Canal +, la chaîne du cinéma, devoir accroître leur part de programmes exclusifs, fidélisant et identifiant. Notamment de séries. Au détriment des films de cinéma.
Les sources de financement alternatives
La production cinématographique française doit donc trouver des sources de financement alternatives. La S-VoD sera la première d’entre elle. Mais, comme on l’a déjà dit, son apport risque de n’être que marginal pour le film de cinéma. Et quand elles interviendront, le producteur délégué sera plutôt un producteur exécutif bien rémunéré.
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Reste des investisseurs privés. Car le cinéma français est globalement une industrie rentable. Mais ils exigeront la transparence. Et d’être traités « pari passu », c’est â dire au même rang que le producteur délégué. Pas de perdre quand le producteur gagne. Certains seront, sans doute, intéressés, comme certains producteurs d’ailleurs, par des tranches de projets qui comprennent des séries. Et qui permettent de mutualiser les risques. Enfin, pour augmenter le potentiel de profit, ils pousseront à viser le marché mondial. Mais, dans tous les cas, il faudra changer de méthode.