Les producteurs comptent sur ces investissements pour compenser la baisse de ceux des chaînes. Mais la partie est loin d’être gagnée
Comment amener la S-vod à financer notre production cinéma alors que le film de cinéma ne correspond pas aux principes de leur programmation ? En effet, ce n’est pas un programme exclusif puisqu’il doit d’abord être diffusé en salle, puis en vod et, puis, pour l’instant, sur Canal + et OCS. C’est tout le contraire des séries, dont le caractère exclusif contribue à l’identité de la plate-forme et qui fidélisent les abonnés sur plusieurs semaines, voire plusieurs années. Néanmoins, cette exclusivité souffre des exceptions puisque « Netflix » vient de présenter la série française « Carnage », quelques semaines après Arte.
Certes, même pour les séries, les plates-formes discuteront pied à pied l’étendue des droits acquis et le pourcentage de leur chiffre d’affaires à investir. En outre, comme l’a rappelé Pascal Rogard dans Le Carrefour, le chiffre d’affaires d’Amazon Prime et d’Apple tv est un chiffre d’affaires artificiellement bas puisque leur plate-forme sert à vendre d’autres produits. Et les programmes ne sont qu’un produit d’appel servant à attirer les consommateurs sur cette plate-forme. Il est donc impératif d’établir un prix « réel », ce qui ne sera pas une mince affaire.
Le film n’est plus du tout le programme le plus performant des chaînes
En tout cas, il est probable que les plates-formes refuseront d’investir dans le film de cinéma autrement que symboliquement et, évidemment, à condition de ce soit dans la même fenêtre de la chronologie des médias que Canal + et OCS. Et elles auront un argument de poids. En effet, l’obligation d’investir dans les films français de cinéma a été imposée aux chaînes françaises à la fin des années 80, quand le film était, de loin, le programme le plus performant de la télévision. Ce n’est plus du tout le cas sur les chaînes en clair. Et, même Canal + et OCS assoient désormais leur promotion sur les séries. En fait, ces obligations n’ont été maintenues que parce que la télévision est leur principale source de financement. Et que, pour l’instant, il n’y a pas d’alternative du même niveau pour la production de films français.
Mais les imposer à de nouveaux acteurs sera une autre paire de manche. D’autant qu’on n’a pratiquement pas, sur ces plates-formes, d’éléments de comparaison de leurs audiences avec celles des séries. Il est vrai que Netflix a acheté à MK2 des classiques de François Truffaut qui peuvent constituer un début d’élément de comparaison. Et ce qui prouve que les films de cinéma, mêmes largement diffusés au préalable, peuvent présenter un intérêt pour eux. Néanmoins, ce sont toutes de grandes entreprises américaines. Et il ne faudrait pas prendre le risque de fournir à Trump un bon prétexte pour déclencher une guerre commerciale que la France ne peut se permettre.
L’Etat dispose d’un levier de poids
Mais alors, comment amener la S-vod à financer notre production cinéma, sans déclencher cette guerre commerciale ? En fait, l’Etat dispose d’un levier de poids pour obtenir que les plates-formes investissent dans le cinéma autrement que symboliquement. A ce jour, en effet, elles payent une TVA de 20% contre 10% pour Canal + et OCS. Il peut donc aligner leur taux sur ces 10% et obtenir qu’une part de ce « cadeau » soit consacrée au cinéma. A titre d’exemple, rien que pour Netflix, 5% du chiffre d’affaires pourrait représenter une trentaine de millions €. Comme il y a plusieurs plates-formes, cela pourrait représenter une somme non négligeable pour notre production cinéma. Mais attention. Les plates-formes, comme Canal et OCS d’ailleurs, vont exercer une très forte pression pour avancer leur fenêtre, ce qui risquerait de réduire encore le marché du DVD et de la S-Vod. Au détriment des producteurs, mais aussi des exploitants.
Voir aussi Le Carrefour de Pascal Rogard : https://siritz.com/le-carrefour/netflix-a-toujours-ete-dune-correction-parfaite/ et celui d’Alain Le Diberder https://siritz.com/le-carrefour/la-directive-sma-ouvre-la-boite-de-pandore/
Voir aussi l’analyse par Dalloz de l’annonce d’Emmanuel Macron sur la question