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Il est clair que l’Intelligence Artificielle va bouleverser nos vies. Elle a déjà commencé à le faire avec les fake news qui fleurissent sur les réseaux sociaux. Elle va également bouleverser l’activité économique. Les industries du cinéma, de l’audiovisuel et de la musique sont évidemment particulièrement concernées. Cinéma, audiovisuel, musique : l’IA est là.
Comme l’a démontré le passionnant « think tank » juridique la COMINA*, organisé les, audio 30 avril dernier, certaines de ses applications sont déjà impressionnantes.
Lors de leur grève à Hollywood en 2023 les guildes de comédiens et de scénaristes ont obtenu l’encadrement de l’utilisation de l’IA. Mais ils ont également prévu que l’image et la voix des comédiens puissent être numérisées afin que les films et les séries puissent être doublées dans toutes les langues du monde. Désormais l’IA (avec Respeecher, EkeventLabs ou Papercut) permet en effet de reproduire une voix dans une autre langue en maintenant les intonations et en synchronisant les mouvements labiaux des lèvres. Néanmoins, il faudra au moins un adaptateur par langue, voir par pays, parce que, pour ne prendre qu’une exemple, une réplique qui est très drôle dans un pays peut ne pas l’être dans un autre En tout cas  cela va à la fois permettre de baisser sensiblement les frais d’édition par territoire  et conduire à la disparition de la profession de comédien de doublage.
Autre bouleversement :  des agences américaines comme CAA « numérisent » leurs artistes. Grace à quoi, ceux-ci peuvent autoriser leur producteur, au cas où un accident ne leur permettrait pas de terminer le tournage d’un film, de le  terminer avec ce clone numérique que l’on ne peut distinguer de l’artiste lui-même. Cela permet, entre autre, de réduire les frais d’assurance. Mais pourra peut-être permettre aussi de stopper le vieillissement d’une star si celle-ci y consent….
Plus incroyable encore, Netflix a réalisé un film entièrement par IA, sans que la moindre image ou le moindre son soit tiré d’une œuvre ou d’un comédien existant. Au cours du think tank la bande annonce de « Maharaja Denim » a été diffusée. Ce film spectaculaire à la Bollywood a été entièrement réalisé par IA, sans le moindre droit à payer.De même,  la Comina a diffusé une chanson entièrement créée par IA, via SUNO, sans clonage d’œuvre existante.

*La COMINA était animée par maitre Gérald Bigle, avec maître Florence Ivanier. Maître Isabelle Laratte y a fait une présentation des enjeux juridiques et des solutions dans le monde. Les participants étaient des juristes, des producteurs et des interprètes.

Il n’y a pas de doute que l’IA va bouleverser la création cinématographique comme audiovisuelle. Va-t-elle supprimer des emplois ? C’est probable dans certains domaines, comme par exemple le sous-titrage et le doublage. Mais, pour le sous-titrage, dans chaque langue il faudra sans doute que la traduction soit contrôlée par un spécialiste. Ce sera encore plus vrai avec le doublage, car les intonations et le mouvement des lèvres, du visage, voir du corps varie d’une langue à l’autre. En tous cas, les coûts diminueront par rapport à un doublage par des traducteurs, puis des comédiens. Même s’il ne serait pas illogique que les comédiens obtiennent un supplément de rémunération pour le doublage de leur propre voix dans d’autres langues. En tous cas le point mort augmentera pour les distributeurs, ce qui aura une incidence positive sur leur activité, donc, probablement sur l’emploi dans leur société, car ils pourront vendre plus de films.
De mêmes, certaines scènes spectaculaires, qui nécessitent des maquillages ou des décors coûtant très cher, pourront être réalisées à un prix très abordable sur ordinateur, grâce À l’IA. Là encore, l’abaissement du point mort pour les producteurs ne pourra qu’avoir une incidence positive sur leur activité, donc leur emploi. Et ces technologies vont entraîner le développement ou la création de prestataires spécialisés dans ces techniques.
Mais le grand enjeu est celui de la création (scénario, dessins, images, interprètes, musique, etc…). Des bases électroniques de plus en plus gigantesques vont stocker les créations existantes et permettre, à partir de commandes itératives, de fabriquer de nouvelles créations. Il paraît difficile d’interdire ces nouvelles créations. Mais, comme le réclament, à juste titre, les organismes représentant des professions concernées, il est indispensables que celles-ci soient rémunérées pour ce copiage, à la fois sur les créations stockées comme sur celles utilisées. Cela suppose que les algorithmes indiquent les sources utilisées. On en est loin.  Et  aux États-Unis qui sont actuellement le moteur de l’IA, ce n’est pas la philosophie des GAFA. Mais cette attitude est justement un boulevard laissé libre aux Européens, et notamment aux Français, car les créateurs du monde entier, à commencer par ceux des États-Unis, ne peuvent accepter le vol de leur capital et la menace d’une réduction spectaculaire de leur emploi. Or l’IA a le potentiel de créer les outils permettant cette transparence.
Il est prioritaire que les pouvoirs publics français soutiennent la création de ces outils, des outils qui se révéleront donc un investissement des plus rentables.

Les exceptionnelles performances du cinéma français en 2024 sont évidemment encourageantes pour les professionnels français de ce secteur. Elles devraient l’être aussi pour les responsables politiques français et européens qui sont pétrifiés de découvrir que nous vivons dans un monde où domine la loi du plus fort et que l’Europe, divisée par nature, ne fait pas partie des plus forts. Bien plus elle est très en retard, sinon absente, en matière des technologies et des industries qui constituent une part croissante de l’économie mondiale.
Tout d’abord le succès de notre cinéma est impressionnant. Ainsi, alors que la fréquentation des salles a reculé partout en Europe, et dans la plupart des pays du monde, à commencer par les États-Unis, elle a augmenté en France. Et cette augmentation est uniquement due à la progression des films français qui dominent nettement les films américains. https://siritz.com/editorial/seuls-les-films-qui-paraissent-exceptionnels/

Ce succès est d’ailleurs reconnu internationalement, comme le confirme le triomphe aux Golden globes « Emilia Perez », mais aussi de la coproduction franco-lettonne « Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau ». On peut y ajouter les deux articles dithyrambiques que le New-Times a consacré â« Emilia Perez » et au « Comte de Monte-Cristo » qui estimait que ces films français sont à la hauteur des meilleurs films américains.
Certes, aux États-Unis, le box-office des films français reste Picrocholin. Car il se heurte au plafond de la langue. Constatons que, quand celui-ci saute, le cinéma français peut triompher, même aux États-Unis. Pour preuve, le triomphe de « The Artist » aux Oscars : il n’y avait de barrière de la langue puisqu’il était muet. Tout comme pour le dessin animé « Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau ». Il est vrai que ces succès sont des succès d’estime, pas des succès populaires, car le grand public ne se déplace pas pour voir des films muets. Mais pénétrer un marché par le haut de gamme est souvent une bonne méthode.

l’IA, une opportunité pour le cinéma français et européen

Et ceci nous ramène au défi technologique. Nous savons que, bientôt, l’intelligence artificielle permettra de doubler les films à l’aide de logiciels et de se passer de comédiens pour ce doublage. Cela supprimera de nombreux emplois, mais ce sera une économie pour les producteurs et les distributeurs internationaux, équivalente au remplacement de la pellicule par le numérique. L’ensemble du cinéma, y compris les comédiens, en a amplement bénéficié.
Mais l’intelligence artificielle pourra faire bien plus que doubler la voix. Elle pourra sans doute aussi adapter le mouvement des lèvres des comédiens dans chacune des langues. Elle réussit déjà à le faire avec des fake vidéos indétectables. Et si, comme le reconnait la presse américaine, les productions françaises peuvent-être du niveau des meilleures production de Hollywood, il n’y aura plus de barrière de la langue. En outre, , comme la France et les Européens ont une grande maîtrise des coproductions internationales, n’oublions pas que le marché de l’Union Européenne comporte 450 millions d’habitants contre seulement 320 millions aux États-Unis.
Il est donc clair que l’intérêt de la France et de l’Europe est d’être à la pointe dans la technologie du doublage par l’intelligence artificielle. Et que l’Europe et la France doivent se doter d’entreprises leaders dans ce secteur. Personne ne sait à quelle vitesse l’IA va évoluer ni jusqu’où. Mais il semble qu’elle aille toujours plus vite que prévu. Avis aux start up.

Les leçons du succès du cinéma français

En tout cas, comme nous l’avons dit, ce succès du cinéma européen, doit aussi être une leçon pour les responsables politiques européens. En effet, il est avant tout dû à une idée très simple qui a donné naissance à un mécanisme très efficace. Rappelons-nous qu’en 1946, par les accords Blum-Byrnes, les États-Unis ont imposé à la France, en contrepartie de ce qui allait devenir le Plan Marshall, de laisser passer  tous les films de cinéma américains, car les américain savaient qu’ils allaient être les propagateurs de l’American Way of Life. Le cinéma français risquait d’être balayé. Or les Français ont réagi avec audace. Ils ont créé le compte de soutien : une taxe additionnelle de 10,7% sur chaque billet vendu. Les producteurs et distributeurs français pouvaient récupérer plus que les taxes qu’ils avaient générées, mais uniquement s’ils réinvestissaient ces sommes dans de nouveaux films ou le développement de leurs salles. C’était l’assurance que jamais ils ne baisseraient les bras. Ce soutien financier est donc à la fois un droit de douane sur les films étrangers, avant-tout américains, et une épargne forcée qui incite les entreprise à constamment investir.
Notons que ce soutien bénéficie aux producteurs, mais aussi aux distributeurs et aux salles, qui sont des acteurs essentiels de l’économie du cinéma. Alors que les autres pays européens ne soutiennent que leurs producteurs, ce qui explique la faiblesse de leur cinéma.
Plus tard, France a complété ce système en instaurant une taxe équivalente, de 5,5%, sur les chaînes de Tv et les plateformes. Et elle a obligé les chaînes et les plateformes à investir une part minimale de leur chiffre d’affaires dans la la production de films et d’œuvres audiovisuels français. Grâce àui, inspirons-nous du cinéma ces deux mécanismes nous sommes le no 1 du cinéma en Europe et nos producteurs audiovisuels sont également les no 1 en Europe.

Faire preuve de la même audace avec les réseaux sociaux

Face au défi des réseaux sociaux la France doit prendre le taureau par les cornes et s’inspirer de l’audace qui a permis le succès de notre industrie du cinéma et de l’audiovisuel. Oui. Inspirons-nous du cinéma français

Le défi est capital, car le monde est entré dans une nouvelle ère. Aux deux siècles précédents, les grands magnats de l’industrie influençaient à la fois les dirigeants politiques par leur puissance financière et l’opinion publique en possédant des journaux ou des télévisions qui les informaient. Or, au XXIème si’or ècle, les plus grandes puissances financières du monde sont celles qui contrôlent les principales sources d’informations. Elles sont plus puissantes que les dirigeants politiques élus. Au point qu’elles sont en passe de faire sauter les règles qui, jusqu’ici, dans le monde capitaliste, entravaient les abus de position dominante et, dans les démocraties, celles qui rendaient les éditeurs d’information responsables des informations qu’ils propagent.
Pour contrer Musk, inspirons-nous de l’audace du compte de soutien qui a permis le succès du cinéma français. La réglementation européenne permet de sanctionner les géants du numérique s’ils ne respectent pas certaines règles. La France, qui pourrait s’allier avec d’autres États, devrait mettre en place un mécanisme qui les incité financièrement à le faire.