DES CONSÉQUENCES À COURT TERME ET À LONG TERME
L’avenir de l’audiovisuel français dépend du projet du rachat de M6 par TF1. Cette opération est soumise à l’autorisation du Conseil de la concurrence français et, surtout, de celle de la Commissions européenne. https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/tf1-m6-l-autorite-de-la-concurrence-lance-un-examen-approfondi-2008010.php
La fusion du numéro un et du numéro 2 d’un secteur qui, à eux deux contrôlent 75% de ce secteur va-t-il être autorisé dans une économie de marché ? https://siritz.com/editorial/audiovisuel-linnovation-parent-pauvre/
Les actionnaires des deux sociétés, le groupe Bouygues, l’acheteur, et le groupe Bertelsmann, le vendeur, avancent de puissants arguments pour justifier cette opération exceptionnelle.
Télévision et GAFA resteront-ils des marchés distincts?
Tout d’abord ils estiment être en concurrence avec les GAFA, à commencer par Facebook et Google, qui contrôlent eux aussi 75% d’un marché publicitaire du numérique aussi important que celui de l’ensemble de la télévision. Leur fusion ne leur donnerait donc que 37,5% du marché, ce qui n’est pas exorbitant. Mais, aujourd’hui les autorités de la concurrence estiment que les marchés publicitaires de la télévision et des GAFA sont des marchés distincts, comme ils sont distincts de celui de la radio et de la presse. Si elles changeaient de position, les GAFA seraient donc également minoritaires et toutes les sanctions prisent contre elles du fait de leur abus de position dominante n’auraient plus lieu d’être. Se serait un tournant lourd de conséquence.
Au cœur d’un des enjeux du capitalisme
Par ailleurs Bouygues affirme que cela va lui donner les moyens d’augmenter ses investissements dans la télévision et, notamment, de conquérir des marchés étrangers. Mais, lors des auditions devant les commissions parlementaires, les deux groupes ont affirmé que l’opération allait permettre de fortement augmenter la rémunération de leurs actionnaires. On est là au cœur d’un des enjeux du capitalisme. Si cette fusion était autorisée et qu’elle se soldait par des plus-values et des dividendes supplémentaires pour les actionnaires il serait indispensable qu’elle s’accompagne d’engagements précis d’augmentation des investissements en France et à l’étranger. Et que le personnel participe à cette augmentation de rémunération. Les autorités politiques et administratives françaises ont les moyens de l’imposer.
Les mastodontes de la production ont du souci à se faire
Mais il y a deux aspects de cette opération qui sont peu abordées. La première est que ce nouveau mastodonte va certainement profiter de sa puissance pour réduire sa dépendance à l’égard des géants de la production audiovisuelle, issues de multiples concentrations, tels Mediawan ou Banijay/Endemol. Celles-ci ont, à l’heure actuelle, un tel contrôle de talents, qu’elles ont les moyens d’imposer leurs conditions aux diffuseurs. TF1/M6, grâce à ses moyens considérable, va s’efforcer à la fois d’attirer ces talents vers ses propres moyens de production, notamment dans le flux.
Nicolas de Tavernost va imposer la stratégie qui a si bien réussi à M6
M6 étant plus rentable que TF1 et le dirigeant de M6 prenant la tête de la nouvelle entité, celui-ci va sans doute augmenter la part du flux sur TF1. Or, à la différence des œuvres, le flux n’est pas encadré Pour les œuvres les deux chaînes auront plutôt tendance à recourir à producteurs dispersés auxquels ils peuvent plus facilement imposer leurs conditions.
Et si Bouygues vendait à un groupe qui veut influer sur la vie politique ?
En second lieu, aujourd’hui, Bertelsmann se retire du secteur en réalisant une énorme plus-value. Mais qui nous garantit que, demain, Bouygues ne voudra pas faire de même ? Et, dans ce cas, qui sera l’acheteur ? Cela pourrait, par exemple être un groupe qui cherche à utiliser ces puissants médias pour influencer la vie politique en France. C’est déjà le cas à petite échelle. Mais à grande échelle c’est tout simplement notre démocratie qui serait menacée.