Archive d’étiquettes pour : fréquentation cinématographique

Les insuccès spectaculaires du cinéma mondial, après des décennies de succès,  sont le signe que le secteur est arrivé au bout d’un cycle et que le public veut autre chose. Mais quoi ?

Une hypothèse de cette soudaine évolution pourrait être liée au même phénomène que le populisme en politique : les électeurs remettent en cause leurs élites qui n’ont pas su résoudre les multiples problèmes de leur société. Et ils sont près à voter pour n’importe qui leur proposant « autre chose », même, si cet autre chose apparait irrationnel. C’est le phénomène du populisme.

En ce qui concerne le cinéma, à la différence des autres arts, c’est, par nature, un art populaire qui doit s’adresser à un vaste public, tout simplement parce que c’est un art cher. Donc, si les spectateurs n’englobent pas tous les citoyens, ils en représentent forcément une part substantielle.

Or, les spectateurs de cinéma, qui sont aussi des citoyens confrontés aux difficultés et aux menaces de notre époque, veulent, soit que que le cinéma les en distrait en leur proposant « autre chose », soit qu’il leur permette de la comprendre.

Aujourd’hui, ils en sont peut-être venus à estimer, à priori,  que les « élites » du cinéma,-les comédiens et réalisateurs stars- ne  leur apportent plus cet autre chose. Ils leurs en veulent même de se contenter de leur apporter toujours la même chose. Ces stars, qui étaient un atout pour le succès des films , deviennent ainsi presqu’un handicap, sauf si les spectateurs ont le sentiment que cette nouvelle oeuvre est exceptionnelle. En fait, pour dire la vérité, souvent, certains films de star ont effectivement un air de déjà vu. C’est notamment le cas des franchises américaines. De même le dernier  « Asterix et Obelix » marche moins bien que les précédents et le second « Les trois mousquetaires » moins bien que le premier.

Reste évidemment pour les producteurs à trouver comment et avec qui offrir « autre chose ». Mais c’est  pour cela qu’ils existent et sont indispensables. Ce qui est certain, pour le cinéma français, c’est que les plus gros succès, dont certains ont fait 10,15 ou 20 millions d’entrées ont toujours été des comédies. Mais aussi que les stars du comique ont triomphé quand elles ont joué dans des films dramatiques , de Bourvil dans « La traversée de Paris » à Coluche dans « Tchao Pantin » en passant par Fernandel dans « La Vache et le prisonnier ».

Bien entendu il y a une différence entre la politique et le cinéma. Pour ce dernier c’est le public qui a forcément raison, puisqu’il est indispensable qu’il ait envie d’aller au cinéma. En politique les solutions différentes proposées par les populistes ne vont pas forcément marcher  si elles sont uniquement différentes.

Les professionnels du cinéma continuent de se demander ce qui explique la baisse de la fréquentation et, surtout, par quels moyens les salles peuvent revenir au niveau d’avant la crise de la Covid.
Certains incriminent le prix des places qui serait trop élevé. Ils remarquent notamment que la fréquentation a baissé de beaucoup  moins dans les salles art et essai que dans les multiplex. Or les premières ont des prix plus bas que les secondes. Mais la baisse dans les multiplex est avant tout due à la baisse du nombre de blockbusters américains.

Jérôme Seydoux, le patron de Pathé estime que, quand les spectateurs vont voir un film qu’ils ont à coeur, les places « les plus chères sont celles qui partent le plus vite. » En réalité, ce n’est vrai que pour les rares superproduction pour lesquels l’IMAX, voire les sièges qui bougent, font la différence.

En fait, il semble que, pendant le confinement, nombre de français ont pris l’habitude d’autres loisirs, à commencer par les plates-formes. Et que leurs séries sont très souvent de bien meilleure qualité que la plupart des films qui sortent. Le problème est donc avant tout un problème d’offre. Lors des États généraux du cinéma, en introduction, Jack Lang l’a nié en dénonçant « le détricotage qui menace » et a incité à ne pas « se laisser  embarquer dans une course à l’audience et à la fréquentation qui pourrait être fatale aux idées que nous pouvons partager les uns et les autres ». Donc il ne faut surtout pas chercher à remonter la fréquentation…

Aujourd’hui, du fait des plates-formes,  une grande partie des spectateurs ne se déplacera pour aller au cinéma que « si cela en vaut vraiment la peine ». Certes, de bons films spectaculaires gagneront toujours â être vus en salle plutôt que sur un écran de télévision. Et, même pour un film non « spectaculaire »,  dans une salle pleine, l’émotion, se transmettant de spectateur en spectateur, est augmentée. Et, notamment, pour un film vraiment très drôle. Le rire est communicatif.

Cette offre « qui en vaut la peine », nécessaire au cinéma n’est pas synonyme de gros budget. Elle est synonyme de qualité et d’investissements proportionnés au potentiel du film. Qualité, culture et économie ne sont pas antinomiques. « Novembre », le film de Cédric Jimenez est un très bon film, particulièrement spectaculaire. Son budget est de l’ordre de 27 millions €, donc plus du double de son précédent film, « Bac Nord » qui en avait coûté la moitié et a rassemblé 2,2 millions de spectateurs. « Novembre » a démarré avec 25% d’entrées en plus, mais devrait réaliser d’excellent ventesinternationales. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-de-cedric-jimenez-3/

Dans un autre registre « Revoir Paris « d’Alice Winocour est également un excellent film. Son budget est de 5,8 millions € et Pathé a donné un minimum garanti de 1 millions €pour les mandats salle, vidéo et étranger, c’est évidemment une bonne affaire. Tout comme pour les deux producteurs ce sera une très bonne affaire. https://siritz.com/cinescoop/la-remuneration-dalice-winocour/

Et, avec de petits ou moyens budget, d’autres films français ont été des réussites et des succès : « As Bestas », « La nuit du 12 » et « Les enfants des autres ». « L’innocent » être de la liste. Mais ils ne peuvent évidemment remplacer les blockbusters qui permettait aux films américains de faire 55% des entrées.

Le cinéma n’a de raison d’être que parce qu’il a des spectateurs. Une raison d’être qui n’est pas uniquement de faire vivre, et parfois très bien vivre, ceux qui le fabriquent. Or, au fil des années, au-delà du soutien du CNC, qui est  une épargne forcée mais aussi  un droit de douane sur les films étrangers,  l’État n’a cessé de lui procurer des sources de financement supplémentaires qui n’ont aucun rapport avec l’existence de spectateurs : obligations d’investissement des chaînes, incitation d’investissement des régions, avantages fiscaux à ceux qui investissent dans les soficas, crédit d’impôt, obligations d’investissements des plates-formes, etc…

Donc, à l’encontre de ce que suggèrent nombre d’intervenants aux états généraux du cinéma, la solution ne semble pas dans l’ajout de soutiens pour financer des films sans spectateurs.

www.Cinefinances.info est un site, accessible par abonnement, destiné aux professionnels du cinéma.  Il publie budget, le plan de financement et la répartition des recettes prévisionnels de tous les films français qui sortent (hors les films « sauvages » qui ne déposent pas leurs contrats au registre public et ne demandent donc pas l’agrément qui leur permettrait d’accéder à l’aide du CNC). Il s’agit des chiffres de l’agrément d’investissement sur la base duquel le producteur a monté son financement. Il dispose de nombreuses archives et d’un puissant moteur de recherche. Il dispose d’archives des films sortis depuis 2010 et d’un puissant moteur de recherche, avec de multiples critères.