Le coup de théâtre de la décision de sortie des chaînes payantes de la TNT par le groupe Canal+ ne fait que confirmer que l’audiovisuel est entré dans une nouvelle époque. Le groupe présente son choix comme une réponse à deux décisions de l’État à son égard : d’une part, celle de l’Arcom de ne pas renouveler la fréquence de C8, du fait de manquement répétés (31) à ses obligations et à la loi ; d’autre part, celle du ministère des finances d’estimer que son taux de TVA ne doit pas être de 10%, comme c’est le cas pour les biens et services culturels, mais de 20%, car le groupe serait avant tout un agrégateur de services audiovisuels, comme le sont les plateformes américaines. Et, à ce titre, Bercy lui réclamerait, selon l’Informé, le coquet arriéré de 655,6 millions €. Cette décision de Bercy va évidemment être contesté par le groupe devant le tribunal administratif, d’autant plus qu’elle arrive au moment de l’entrée de celui-ci en bourse.
Le non renouvellement de la fréquence de C8 est loin d’être une catastrophe pour Canal +, tout d’abord parce que la chaîne est déficitaire. Par ailleurs, le groupe peut très bien reprendre sur sa chaîne CStar l’émission « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna, pour laquelle C8 a ėté sanctionnée. Quand à Canal+, les abonnés qui la reçoivent en hertzien ne représentent que 1% de tous ses abonnés et la diffusion hertzienne terrestre lui coûte 20 millions € par an. Plusieurs autres modes de diffusion, moins coûteux peuvent lui être substitués.
Qui va occuper le canal 4 ?
En fait, la décision de Canal + souligne que désormais, par le numérique, on peut recevoir un nombre illimité de chaînes du monde entier. Bien entendu, une question essentielle est de savoir qui va occuper le canal 4 jusque là occupé par Canal +. A qui l’Arcom va-t’il l’attribuer ? Mais peut-on imaginer qu’Orange, SFR, Free et Bouygues acceptent que Canal + et ses 10 millions d’abonnés, en France et ses programmes en clair, soit relégués au fin fonds de son classement et que l’on ne puisse plus y accéder rapidement en un ou deux clicks ? Il est plus que probable qu’ils vont lui trouver une place de choix dans leur offre.
Rien à craindre pour le cinéma
De même, Canal, dont sa convention avec le cinéma arrive à échéance à la fin de l’année, est, de loin, le principal financier de la production de films français dans laquelle il investit 210millions € par an. Ce qui, soit dit en passant, est plus que son engagement vis à vis de la profession, qui n’est que de 170 millions €. En contrepartie, de cet apport la chaîne peut diffuser les films de cinéma 6 mois après leur sortie en salle, contre 15 ou 17 mois pour les plate-formes américaines. Ce qui lui permet d’être « la » chaîne du cinéma, image qu’elle n’abonnera à aucun prix à Netflix ou Disney+. Le cinéma n’a donc pas à s’inquiéter.
Les grands groupes de tv sont tous des agrégateurs de programmes
En revanche, l’analyse du ministère des finances est très importante. Elle indique bien que l’audiovisuel est en train d’entrer dans une nouvelle phase de son histoire. Car si, avec la généralisation des replays, le groupe Canal serait devenu avant tout un agrégateur de programmes, la vérité c’est que tous les grands groupes français de télévision, privés comme publics, le sont devenus aussi. Certes, ils sont gratuits. Et, d’autres chaînes thématiques françaises payantes développent le replay. Bien entendu ce différentiel de tva avait surtout pour but de pénaliser les plateformes géantes américaines. Mais est-ce qu’un programme n’est plus culturel si on le regarde en replay ?