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L’information de nos citoyens repose de plus en plus largement sur toutes les formes de l’audiovisuel. Or le monde des médias et de la politique est secoué par la décision du Conseil d’État, enjoignant à l’Arcom, à la suite d’une plainte de Reporters sans frontière, de faire respecter à C-News l’obligation faites aux chaînes hertziennes, par la loi de 1986, de « respecter l’honnêteté, le pluralisme et l’indépendance de l’information ».

La plus grande partie des de ce qui s’expriment critique cette décision qui porterait atteinte à la liberté d’expression. Elle serait par ailleurs absurde puisque ces obligations n’existent pas pour la majorité des outils d’information, notamment la presse écrite, les réseaux sociaux et tout internet.

En tout cas, l’expérience américaine devrait nous rappeler à quel point la question est importante pour notre démocratie. En effet, en 1949, les États-Unis ont adopté une loi imposant aux chaînes le respect de la Fairness doctrine, sous le contrôle de la  Federal Trade Commission. Elles devaient notamment, sur les sujets importants présenter la « pluralité des points de vue ». En 1987, sous l’influence des néo-conservateurs et de Reagan, cette loi a été abolie pour assurer la totale liberté d’expression. Cela a conduit à Fox News, première chaîne d’information et, souvent, première de toutes les chaînes. Et Fox News a conduit à Trump.

Le Conseil d’État reproche à l’Arcom d’accepter que C-News applique les principes fixés par la loi en ne décomptant que le temps de parole des personnalités politiques invitées. La haute juridiction estime qu’au contraire, il faut prendre en compte  » la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités  » . Elle rappelle en outre que cette obligation ne s’impose pas uniquement à  C-News mais à toutes les chaînes. Mais selon quels critères objectifs ranger chacun de ces derniers dans un courant politique ? C’est évidemment impossible font à juste titre remarquer les opposants ã cette décision.

Or, ce n’est pas ce que dit le Conseil d’État. Il précise même que «  dans le respect de ces principes, le régulateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice des prérogatives qui lui sont conférées par la loi. »  Ce qui veut dire, en fait, qu’il ne doit pas établir des quotas mais fixer des principes plus précis. Ce n’est pas simple de les définir. Mais c’est à ça que sert cette instance chargée de lourdes responsabilités.

Ce que Reporters sans frontière reproche à C-News n’est pas toute sa grille, mais essentiellement son prime time (8-9 h et 18-21 h). Il estime qu’en prime-time tous les intervenants n’abordent que les sujets que l’extrême droite met en avant et ne développent que les analyses et les arguments de celle-ci. Le reste de la journée les informations sont beaucoup plus équilibrées et plusieurs intervenants ne sont pas du tout d’extrême droite.  Mais, comme pour toutes les chaînes, l’audience du reste de la journée est beaucoup plus faible et compte donc moins.

Le Conseil d’État donne à l’Arcom 6 mois pour élaborer ces principes. Par ailleurs, nul doute que si la fréquence de C-News est renouvelée en 2025, son cahier des charges comprendra ces principes beaucoup plus précis. Néanmoins, évidemment, il ne pourra condamner C-News rétroactivement pour ne pas avoir respectė des principes qui n’avaient pas encore été respectés.

Bien tendu C-News peut faire remarquer qu’on veut lui imposer des principes alors qu’elle est plongée dans un océan croissant d’informations numériques qui n’en respecte pratiquement aucun. Mais justement, le maintien de nos démocraties et de la paix social va reposer sur notre capacité à faire respecter par ces médias numériques des principes fondamentaux tels que l’honnêteté de l’information. Certains pensent que c’est impossible. Mais, il a peu on pensait qu’il ėtait impossible de réguler les plate-formes multinationales. Or l’Europe et la  France ont commencé à le faire. De même, la puissance de l’intelligence artificielle peut permettre de déceler les fake news pour les effaceret de révéler les sources et les émetteurs.

Aux États-Unis, en vue des prochaîne élections et sous prétexte de défendre la liberté d’expression, les États rėpublicains de Floride et du Texas ont voté une loi interdisant aux réseaux sociaux de mettre en place, comme ils en ont l’intention, des mécanismes pour effacer les fake news ou des messages appelant à mettre en cause la paix sociale.

Or, il semblerait que l’ultra-conservatrice Cour suprême s’apprête à annuler ces lois. On peut être pour la liberté de circulation et pour un code de la route. La bataille ne fait que commencer.

 

 

UNE MESURE SOUHAITABLE MAIS DE GRAVES ENJEUX

Le président-candidat Macron a annoncé qu’il allait supprimer la redevance. Il est évident que cette mesure concerne tous les professionnels de notre audiovisuel, mais aussi de notre cinéma, puisque la télévision publique en est l’une de leurs principales sources de financement. D’où les réactions immédiates de toutes les organisations représentatives. https://siritz.com/editorial/france-televisions-en-question/

Macron a présenté cette mesure comme la suppression d’un impôt. C’est le cas, mais il ne s’agit nullement d’une réduction des prélèvements obligatoires, car ce financement devra passer par le budget général, un budget en déficit depuis 50 ans. Rembourser les emprunts cumulés n’est pas indispensable à court terme, mais, les taux d’intérêts vont certainement bientôt augmenter très sensiblement. Et cet surplus, à lui seul, qui va sans doute peser au moins autant que le budget de l’éducation nationale.

Certes la redevance est un impôt particulièrement injuste puisque du même montant quel que soit le revenu. Reste que le budget général est principalement financé par la TVA qui pèse bien plus sur les classes modestes que sur les classes aisées.

Actuellement la redevance est de 138 € par foyer possédant un téléviseur. Le budget général ajoute 600 millions €. Le total est de 4 milliards d’euros qui servent à  financer le service public de l’audiovisuel. Compte tenu du fait que les jeunes ne regardent pas la télévision, ou bien, quand ils la regardent, le font par leur mobile, leur tablette ou leur ordinateur, il est probable que le nombre de ceux qui la payent va diminuer. Pour assurer la pérennité des ressources du secteur public de l’audiovisuel une réforme est donc indispensable.

La redevance est beaucoup plus élevée en Allemagne. https://www.francebleu.fr/emissions/la-minute-des-frontaliers/lorraine-nord/en-allemagne-la-redevance-tele-coute-220eu-contre-138eu-en-france  Mais aussi, outre-manche. Là bas  une partie des conservateurs voudrait la supprimer, estimant que la BBC est partisane en faveur des travaillistes. Les mêmes accusations en provenance de la droite de chez nous sont portées à l’égard de France télévisions et de Radio France. Mais, dans leur esprit, supprimer la redevance suppose de la remplacer par des recettes publicitaires. Or, ce n’est pas parce que l’offre d’espace publicitaire va soudain exploser que le chiffre d’affaires publicitaire va faire de même. En fait une telle mesure réduirait considérablement le chiffre d’affaires des ex chaînes et radios publiques. En outre, elle mettrait en grave difficulté financière les groupes TF1 et M6. C’est donc tout le secteur de la production cinématographique et audiovisuelle française qui souffrirait.

Un gouvernement sensé ne pourra que remplacer le produit de la redevance par un financement à peu près équivalent du budget général. Macron laisse entendre que ce sera une loi de programmation pluriannuelle de trois à cinq ans, comme pour la recherche. Il faudra que ce soit une vraie garantie que le Parlement ne puisse remettre en cause, alors qu’aujourd’hui gouvernement et Parlement peuvent, à tout moment réduire, la redevance ou l’apport du budget général, s’ils voulaient punir un service public qu’ils accuseraient d’être partisan en faveur de l’opposition.

Il faut que cette garantie s’appuie sur des objectifs, avec des critères précis pour vérifier la réalisation de ces objectifs. Les uns et les autres devraient, enfin, faire l’objet d’un véritable débat au Parlement, mais aussi dans la société civile.  Un organisme indépendant, comme l’Arcom, devrait être chargé de contrôler son respect. Ce serait d’ailleurs logique puisqu’il nomme les présidents des entreprises publiques.