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L'édito de Serge
Serge Siritzki

UN ÉTAT GÉRÉ PAR DES COMPTABLES

Par Serge Siritzky

Jérôme Clément, qui a été directeur général du CNC et qui est l’un des fondateurs d’Arte, dans un message sur linkedin, attire l’attention sur un article paru dans Le Journal.info qui souligne que Charles de Courson, le rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, pour économiser les deniers de l’État, propose de ne plus subventionner les films qui n’ont pas de succès. Le député n’est pas plus précis. Mais il s’agit sans doute pour lui, au moins de ne pas permettre aux  producteurs et distributeurs de ces films de bénéficier du soutien automatique du CNC qu’ils ont généré, si ce n’est  d’obliger producteurs et distributeurs à rembourser tout ou partie de l’aide qu’ils ont investi dans ces films.

L’article compare avec humour cette proposition à l’oeuf de Christophe Colomb et imagine que c’est une commission parlementaire, dont ferait partie le rapporteur, qui déterminerait les films qui n’ont pas de succès.

Le rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée nationale est compétent en matière de finances publiques. Ainsi, dès sa présentation, il avait dénoncé à quel point le projet de budget de l’État pour 2024 était insincère, et, même, de quel ordre de grandeur. Mais, à l’évidence, il ne connaît rien à l’économie du cinéma. C’est d’ailleurs peut-être une des principales causes de la situation catastrophique des finances publiques et de la dégradation constante des services publiques de notre pays : nos dirigeants politiques gèrent notre État comme des comptables, sans aucune prise en compte des réalités économiques.

Ainsi, rappelons à notre rapporteur que, en ce qui concerne le cinéma, le soutien financier n’est pas une subvention de l’État, puisqu’il est financé par une taxe payée par les spectateurs en plus de la TVA. De plus, les entreprises de production, de distribution et d’exploitation ne peuvent en bénéficier que s’ils l’investissent. C’est un mécanisme qui donc les oblige  à investir en permanence. Tout le contraire de notre État qui emprunte pour payer ses dépenses de fonctionnement.

Et si le cinéma français est, de très loin, le premier d’Europe, c’est que le soutien bénéficie également aux exploitants, ce qui nous permet d’avoir le meilleur parc de salle d’Europe. Car le cinéma se voit dans une salle de cinéma. Alors que les États des autres pays européens soutiennent essentiellement leur production de films. Le seul défaut de notre soutien c’est qu’au-delà d’un million, les d’entrées d’un film français ne génèrent pas de soutien automatique. Ces films payent donc la taxe additionnelle mais n’en bénéficient pas. Comme pour un film américain. Est-ce parce que l’augmentation du nombre de films est une priorité ou parce que le succès est mal vu ? à moins que ce soit par une totale méconnaissance du rôle du distributeur.

Bien entendu, en France, on produit et on distribue « trop » de films. Mais c’est l’essence même de l’économie de marché. Combien de nouveaux produits ou de nouveaux services sont lancés chaque année qui sont des échecs, combien de recherches n’aboutissent pas. Dans les économies communistes ces « gaspillages » ne sont pas possibles. Mais, étonnamment, leurs productions sont systématiquement insuffisantes. Quand les communistes chinois ont compris les avantages de l’économie de marché et l’ont adopté, la Chine a décollé.

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