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L'édito de Serge
Serge Siritzki

SAVOIR INNOVER POUR RECONQUÉRIR SES SPECTATEURS

Par Serge Siritzky

Le 80ème Congrès de la FNCF, qui se tient à Deauville, est plus que jamais un événement essentiel dans la vie de notre industrie cinématographique qui reste, de loin, la première d’Europe. Il intervient à un moment où toute la profession reconnaît qu’elle traverse une crise. Il sera l’occasion d’en débattre entre les différentes branches de l’exploitation et avec les distributeurs.

La table ronde « Éducation au cinéma à l’occasion de la présentation du rapport Geffray » sera à cet égard particulièrement bien venue. Car une des causes de la désaffection des jeunes est sans aucun doute la place qu’ont pris dans l’existence des jeunes les réseaux sociaux et les jeux vidéos qui concourent à leur repliement sur eux-mêmes. C’est un défi majeur qui se pose non seulement à l’éducation nationale mais aussi à notre vie sociale. Or, le cinéma, c’est à dire la démarche de se déplacer pour aller voir, à plusieurs, un film, dans une salle, et d’en parler avant et après, est un outil essentiel pour habituer les jeunes à devenir des citoyens qui s’insèrent dans la société.

Conséquence de l’exode des grands réalisateurs vers les plateformes

L’analyse des causes de la baisse de la fréquentation et des moyens d’y remédier sera sans doute le sujet central du Congrès. A ce sujet, notons la très intéressante étude de Ciné Conseil sur l’impact de la S-Vod sur la fréquentation en France. Son principe est simple : elle a recensé les grands réalisateurs de films de cinéma qui ont réalisé des fictions ou des séries sur les plate-formes plutôt que de réaliser des films de cinéma. Et, sur la base de leur box-office moyen en salle auparavant, l’étude calcule le box-office perdu en France. Cela représente 20 millions d’entrées en 2023, 26 millions en 2024 et dèjà 23,5 millions en 2025. Cf : « Les feux de la rampe. »www.cine-conseil.com.

Il sera évidemment impossible d’empêcher les grands talents du cinéma de travailler pour les plateformes, d’autant plus que celles-ci contribuent à l’explosion de l’offre et de l’emploi du secteur audiovisuel dans son ensemble. Dans ces conditions, que peut faire le cinéma ? Il faut qu’il trouve le moyen de remplacer ces grands talents qui, inévitablement, partageront leur activité entre cinéma et plateformes, par de nouveau grands talents. Donc, augmenter le nombre de grands talents qui font le box-office. Mais pour y parvenir, comment faire ?

Comment de cinéma doit-il réagir ?

Sans doute le cinéma devrait-il revoir entièrement la formation de ses  réalisateurs et le mode soutien à leurs  films. A ce sujet, un livre économique qui fait fureur aux États-Unis-malheureusement non traduit en France- analyse, les causes des échecs et des succès des politiques économiques américaines. Il s’agit de «  Abundance » de Ezra Klein et Dereck Thompson.

Il étudie notamment les politiques américaines de soutien à l’innovation. A cette fin, il compare les performances des deux organismes fédéraux de soutien créés après-guerre : le National Institutes of Health (NIH) et le Defense Advanced Research Projectd Agency (DARPA). Le premier, qui a un mécanisme proche de notre avance sur recettes, a eu des performances médiocres. Il a même refusé pendant 20 ans de soutenir toute recherche sur l’ARN, qui, pourtant, permettra de mettre au point un vaccin contre la Covid et de le fabriquer en des dizaines de millions d’exemplaires, le tout en quelques mois. Quant au DARPA,  son fonctionnement ressemble plutôt à celui qui a permis, comme vient de s’en féliciter la Cour des Comptes, de restaurer les Tours de Notre Dame ou d’organiser les Jeux Olympiques, en un temps record, sans dépassement de budget. Et bien le DARPA, lui, a financé l’invention d’internet, du GPS, de l’ordinateur personnel, de l’Intelligence Artificielle et de la conduite automobile sans conducteur. Bien plus, c’est lui qui a financé le laboratoire Moderna qui a mis au point l’ARN messager. Le DARPA a donc permis de financer une grande partie des innovations qui, aujourd’hui, font progresser notre économie et notre société.

Enfin, peut-être le cinéma pourrait-il s’inspirer de l’exemple du PSG en foot-ball. Pendant des années, le club a investi des fortunes pour débaucher les meilleurs joueurs du monde sans pouvoir s’imposer dans la Champions League. Finalement, c’est une équipe largement constituée de talentueux recrues de son  école de formation de jeunes joueurs, qui se révèle la meilleure du monde, qui l’a remporté.

Savoir innover pour reconquérir ses spectateurs. Tel devrait être le mot d’ordre de l’industrie du cinéma. Et, pour innover, c’est à dire former et sélectionner les nouveaux grands talents il faut sans doute changer de méthode.

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