
QU’EST-CE QU’UN FILM POUR LA SALLE DE CINÉMA ?
Par Serge Siritzky
Après la plate-forme de S-vod Netflix c’est Amazon Prime vidéo qui attaque l’arrêté entérinant l’accord entre le cinéma et Disney +, autorisant cette dernière à diffuser les films de cinéma 9 mois à partir de leur sortie en salle.
Les obligations d’investissement dans les films de cinéma français et européens des chaînes hertziennes ainsi que leurs fenêtre dans la chronologie de diffusion des films sont fixées par décret. Ainsi, chaînes hertziennes gratuites peuvent diffuser les films qu’elles ont préfinancés 22 mois après leur sortie en salles et les autres 30 mois. La fenêtre de Canal +, qui est, de loin le premier pré-financeur des films français, se situe à 6 mois.
La chronologie des médias
Pour les plateformes ces obligations sont fixées à la suite d’un accord entre la profession du cinéma et chaque plateforme. Faute d’accord, une plate-forme de S-vod peut diffuser les films 17 mois après sa sortie en salle.
Netflix est la première plate-forme à avoir signé un accord avec le cinéma ce qui lui a permis d’avancer sa fenêtre de diffusion à 17 à 15 mois. Disney + vient de signer un accord qui avance sa fenêtre à 9 mois. Canal + a très mal pris ce dernier accord qui ne lui donne que 3 mois d’avance alors qu’elle investit 160 millions € dans la production française et européenne, bien au-delà de l’obligation fixée par décret, qui n’est que de 110 millions €. Elle a pourtant renouvelé son engagement pour 3 ans. https://siritz.com/editorial/accord-audacieux-mais-risque-avec-disney/Mais Netflix estime qu’il n’y a aucune raison que la fenêtre de Disney+ se situe 6 mois avant la sienne, alors que Disney+ n’investit que 40 millions dans la production tricolore, soit 20% de moins que Netflix. Quant à Amazon Prime Vidéo, certes, à ce jour, elle investit beaucoup moins dans le cinéma que Netflix et Disney +. Sa plateforme n’est d’ailleurs qu’un complément du gigantesque service Amazon. Mais, compte tenu de la taille du groupe, ses investissements dans le cinéma, comme dans l’audiovisuel, pourraient exploser. A titre d’exemple, rien que son pré-achat de « Ma mère, dieu et Sylvie Vartan » est tout de même de 4,5 millions. Il est vrai que celui de Netflix dans « Natacha (presque) hôtesse de l’air » est de 4,8 millions €. N’oublions pas que plusieurs de ces plateformes font partie des Maga qui sont plus puissants que des États.
Des règles du jeu communes à toutes les plateformes
Il est donc temps que, comme la France l’a fait pour les chaînes hertziennes, elle mette en place des règles du jeu communes à l’ensemble des plateformes.
N’oublions pas que nous sommes sortis de l’ère du hertzien. La S-vod est un parmi les innombrables services accessibles par wifi. Et, le wifi permet le replay qui change les modes de consommation : dès le premier jour de sa diffusion un spectateur peut regarder tous les épisodes d’une série. De même, il peut regarder un film bien après cette première diffusion.
Se poser une question fondamentale
Cette révolution oblige les professionnels du cinéma à se poser une question fondamentale : qu’est-ce qu’un film de cinéma ? qu’est-ce qu’un film pour la salle de cinéma ? Qu’est-ce qui fait qu’on est disposé à se déplacer pour aller le voir en salle alors que, dans quelques mois, on pourra le regarder tranquillement, chez soi dans un fauteuil ou dans son lit, le jour et à l’heure que l’on veut ? Par ailleurs, n’oublions pas que certains Mega estiment que la sortie en salle n’est qu’un outil de promotion parmi d’autres de leur plateforme.
Rappelons-nous que, dans les années 80, la fréquentation cinématographique en France est passée en 10 ans de 213 à 116 millions de spectateurs parce que les professionnels du cinéma ne s’étaient pas posé les bonnes questions ou s’étaient donné les mauvaises réponses.