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L'édito de Serge
Serge Siritzki

MENACE SUR LE COMPTE DE SOUTIEN ET LE CNC

Par Serge Siritzky

Nos démocraties sont entrées dans une ère où l’incompétence économique peut-être un atout pour leurs élus et et même, parfois, de leurs dirigeants. Et la France n’en est pas à l’abri. Ainsi, le 7 mai, un communiqué du SNPCT * a attiré l’attention sur un amendement mis au vote des députés le 7 avril dernier, lors de l’examen du « projet de loi sur la simplification  de la vie économique ». Certes, il est indispensable de rėduire le coût de fonctionnement de notre État et de nos services publics qui sont beaucoup plus élevés en France que chez nos voisins européens. Plus élevés en moyenne de 20%.

Mais 41 députés, principalement du Rassemblement national, mais aussi quelques uns du LR, ont voté pour cet amendement qui proposait rien moins que la suppression du CNC et du compte de soutien. Heureusement 88 députés ont voté contre. Mais un tiers des députés qui ont voté ce texte  sont persuadés que le CNC et le compte de soutien alourdissent le coût de fonctionnement de l’État. Alors que, comme on le sait, le compte de soutien est financé par une taxe supplémentaire à la tva-10,7% pour le cinéma et 5,5% pour la télévision- qui est reversée aux entreprises qui l’ont générée, mais uniquement pour financer de nouveaux investissements. Cet énorme incitation à constamment investir et innover explique que le marché du cinéma français est de loin le premier d’Europe et que notre production de films est de loin la première du continent. Elle   permet aussi à la France de posséder certains des principaux producteurs audiovisuels du monde. Le principe de ce mécanisme est si intelligent que nous avons suggérer de l’étendre à d’autres secteurs économiques pour relancer l’investissement et l’innovation dont la France à tant besoin. https://siritz.com/editorial/cinema-un-modele-dindustrialisation-reussie/

Ce compte de soutien est d’autant plus incitatif pour les producteurs français qu’il est plus important que la taxe qui leur est prélevée puisqu’il n’est pas reversé aux producteurs et distributeurs d’œuvres étrangères. Mais les majors américaines ne se sont pas plaintes de ce qu’elles pourraient considérer comme un droit de douane sur leurs productions, parce qu’elles constatent qu’il élargit le marché français, ce qui est tout à leur avantage. Et, lorsqu’elles produisent des œuvres françaises, elles en bénéficient elles aussi

Bien plus, rappelons aux 41 députés que, pour financer son énorme déficit de 2024, l’État n’a pas hésité à puiser 400 millions € dans la trésorerie du CNC. Une trésorerie qui s’explique en grande partie par le décalage qu’il y a entre le moment où la taxe est payée et le moment où l’entreprise encaisse son compte de soutien parce qu’elle a investi. Enfin, si le moteur que constitue le compte de soutien disparaissait, la production de films et découvres audiovisuelles françaises chuterait fortement, donc  l’emploi, que la tva et les cotisations sociales du secteur. Ce qui creuserait le déficit de l’Etat et de la sécurité sociale. Les responsables politiques qui supportent cet amendement pourraient alors  expérimenter en grandeur nature la théorie des dominos. En attendant, ce qui est certain c’est que la menace contre le compte de soutien et le CNC est dans l’air. La profession se doit d’éduquer les incompétents . Car l’exemple américain démontre que les idées les plus stupides sont souvent les plus attractives.

*syndicat national des techniciens de la production cinématographique et des la télévision (le principal syndicat de techniciens)

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