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L'édito de Serge
Serge Siritzki

LE DEFI EUROPEEN DE L’ORDONNANCE SMA

Par Serge Siritzky

Le caractère international des plateformes change tout

L’ordonnance SMA, qui va inclure les plateformes de S-VoD dans l’écosystème français du cinéma et de l’audiovisuel, sera publié à la fin du l’année. Mais pas le décret qui précise ses modalités d’application, comme prévu initialement. Ce décret doit en effet encore être soumis au Conseil d’Etat, au CSA et â l’Union européenne. Il ne sera donc sans doute publié que vers la fin du premier trimestre 2021. Mais ce sera une avancée majeure pour cet écosystème. 

A priori les plateformes devront investir, environ 25% de leur chiffre d’affaires hors taxe en France dans les oeuvres. Ce sont des pourcentages proches de ceux imposés â Canal + et OCS. En revanche les plateformes ne consacreront que 20% de cet investissement au cinéma contre 80% aux œuvre audiovisuelles. Pour les chaînes à péage française la répartition est 50/50. Les plateformes devront respecter la chronologie des médias pour les films de cinéma.

Et, en France, un film de cinéma est considéré comme tel s’il sort d’abord en salle et respecte la chronologie des médias. Est-ce que les plateformes imposeront une exclusivité de diffusion qui ne rendra pas possible une coproduction des chaînes en clair ? Cela risque de rendre difficile pour elles le respect de leurs obligations d’investissement dans les films de cinéma. Il risque d’en être de même pour Canal+ et OCS car le nombre de films intéressant les chaînes à péage est limité par le goulot d’étranglement du marché des salles. C’est lui qui a  entrainé l’absorption de TPS par Canal+.

Cette série espagnole serait-elle considérée à la fois comme un investissement dans une oeuvre d’expression originale espagnol en Espagne et un investissement dans une oeuvre européenne en France ?

Mais le principal enjeu est celui de la répartition entre oeuvres européennes et oeuvres d’expression originale française. Cette dernière obligation est acceptée par l’Union européenne car elle est incluse dans l’obligation d’investir dans des œuvres européennes et qu’elle repose sur l’exception culturelle, que la France a réussi à faire reconnaitre comme un des principes de l’Union Européenne. En apparence ces doubles obligations sont les mêmes que pour les chaînes. Mais, pour les chaînes, les oeuvres européennes autres que les oeuvres d’expression originales françaises sont des productions étrangères dans lesquelles le producteur français est minoritaire. Et la partie étrangère de la production est en grande partie pré-financée par un ou plusieurs diffuseurs étrangers.

Mais les plateformes de S-VoD, à la différence des chaînes, sont internationales et commandent déjà beaucoup de série en Europe. Bien entendu, du fait du Brexit, les séries britanniques comme « The crown » ne seront plus prises en compte. Mais les séries comme l’espagnole « La casa de papel », qui vise aussi toute l’Amérique du Sud et les latinos des Etats-Unis, le seront. De même les séries portugaises qui visent aussi le Brésil. Où enfin, la dernière année de la série danoise «Borgen», dont Netflix aura l’exclusivité et dont les trois premières livraisons ont été des succès mondiaux

En fait, ces obligations d’investissements dans des œuvres européenne ne seraient nullement une contrainte pour les plateformes qui les respectent peut-être déjà. Certes, tous les États de l’Union européennes vont appliquer la directive européenne. Dans ces conditions une même œuvre ne devrait pouvoir servir pour le respect de l’obligation d’une plate-forme dans plusieurs États à la fois. Concrètement, « La casa del papel » constituerait, en Espagne, un investissement de Netflix dans une œuvre d’expression originale espagnole. Si, en France, cet investissement était considéré comme un investissement dans une œuvre européenne, cette obligation n’en serait pas une. A moins que Netflix exige de son producteur espagnol d’avoir un coproducteur français.

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