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L'édito de Serge
Serge Siritzki

LE CINÉMA REPOSE SUR LE HAUT DE GAMME

Par Serge Siritzky

Dans un article qui lui est consacré dans le Figaro du 11 septembre, Jérôme Seydoux, le propriétaire et patron de Pathé, résume sa stratégie : « le cinéma est poussé à occuper naturellement le segment haut de gamme » affirme -t-il. Il le pense pour les salles : « chez Pathé les salles qui marchent le mieux sont les plus chers, dit-il ». Et l’ouverture de l’ancien Paramount Opéra en un ultra-luxueux multiplex de 7 salles et 854 fauteuils,  vise à en faire à nouveau la démonstration.

Il le pense au moins autant pour les films. « Les spectateurs veulent de la qualité et ne viennent pas voir n’importe quoi. Ils ont déjà accès à n’importe quoi depuis leur canapé rajoute-t-il « . En plus, ce n’importe quoi est parfois de qualité .

Et le président de Pathé estime que les films de qualité sont chers. C’est ainsi que sa société distribue et, parfois même, produit les films français aux budgets les plus élevés : tels, l’année dernière « Asterix & Obelix : l’empire du milieu », dont le budget était de 64 millions € et dans lequel Pathé a investi 12 millions €. Il a rassemblé plus de 4,6 millions d’entrées. Cette année « Le comte de Monte Cristo » au budget de 43 millions €, a déjà l’arment dépassé les 7 millions de spectateurs.

Mais gros budget ne signifie pas succès. Ainsi, « La vie pour de vrai », le dernier film réalisé et interprété par Dany Boon a coûté quelques 30 millions €, dans lequel Pathé avait investi 12 millions €, et n’a rassemblé que 812 000 spectateurs, ce qui en fait un échec commercial retentissant. Mais Jérôme Seydoux reconnait que distribuer et produire des films est un métier à risque. Néanmoins remarque-t-il, « Berri m’a dit qu’il ne faut investir que ce que l’on est en mesure de perdre ». Et Jérôme Seydoux a les moyens de beaucoup perdre, ce qui lui permet de prendre de gros risques, au bénéfice d’ailleurs de l’ensemble du cinéma français.

Mais est-ce que la qualité est synonyme de gros budget ? Évidemment pas. Elle suppose certes une fabrication soignée. Mais l’image, le décors, l’interprétation ne sont pas tous. Le scénario est essentiel et une condition préalable. Or il est inquiétant que, cette année, le budget moyen des scénarios de films français a diminué de 60% par rapport à 2023 et le budget médian s’est réduit de moitié. https://siritz.com/financine/impressionnante-chute-du-budget-des-scenarios/

En fait, un film français de cette année illustre ce que signifie qualité. Il s’agit de « Un p’tit truc en plus ». https://siritz.com/cinescoop/le-premier-demmarrage-de-lannee/Comme on le sait il a largement dépassé les 10 millions d’entrées et continue sa carrière. Or il ne repose pas sur un casting de stars (50 000 € payés aux rôles principaux), ni sur des scènes spectaculaires. Pourtant son budget prévisionnel est de 6,7 millions €, soit 40% de plus que le budget moyen des films de fiction français. https://siritz.com/cinescoop/le-premier-demmarrage-de-lannee/C’est qu’il a été fait avec un grand soin et pas à la va-vite comme, malheureusement une grande nombre de films français.

Mais Jérôme Seydoux souligne à juste titre que notre formidable exception culturelle, qui repose en grande partie sur l’obligation de nos grandes chaînes d’investir une partie de leur chiffre d’affaires dans de nouveaux films français, a un énorme inconvénient : toutes ces chaînes, sauf Arte et Canal+, visent à séduire la ménagère de moins de 50 ans. C’est-à-dire, pas les jeunes, ce qui explique que plus de la moitié des spectateurs ont plus de 50 ans. Et pas les marchés étrangers, ce qui explique la baisse de nos exportations de films français.

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