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L'édito de Serge
Serge Siritzki

LA VRAIE BATAILLE DES PROGRAMMES

Par Serge Siritzky

Le quotidien Le Figaro de mercredi dernier a publié un article qui est une véritable bombe à propos des négociations entre Canal+ et le cinéma. Nul doute que cette information explosive vient du groupe Vivendi qui possède la chaîne et qu’elle a pour but d’avancer un pion dans cette partie d’échec qui doit s’achever d’ici quelques jours. https://www.lefigaro.fr/medias/canal-pourrait-diviser-par-deux-ses-investissements-dans-le-cinema-20211123

Les professionnels du cinéma estiment, ou feignent d’estimer, que c’est du bluff pour les forcer à accepter les aménagements souhaités pas Canal+ dans la chronologie des médias. D’une part avancer la fenêtre de la chaîne à péage de 8 à 3 mois après la sortie en salle. D’autre part retarder la fenêtre des chaînes gratuites, pour fixer celle des plateformes bien au-delà de celle de Canal+.

Mais le projet annoncé présente pour cette dernière un avantage qui est peut-être bien supérieur à celui de gagner cinq mois dans la chronologie des médias : réduire sensiblement les dépenses de la chaîne, puisqu’il s’agirait de transformer Canal + en une chaîne ne diffusant que des films et des séries, l’abonnement pouvant ainsi passer de 40 à 20 € par mois, se rapprochant de celui des plateformes. Une offre qui serait conforme aux accords entre Canal+ avec le cinéma et le CSA  qui ne portent que sur les films et les séries.

Et, bien entendu, même si cette réduction entrainait une augmentation du nombre d’abonnés intéressés par le cinéma et les séries, attirés par cette réduction du prix, le chiffre d’affaires de la chaîne pourrait être réduit de près de 50%. Et donc, les investissements obligatoires de la chaîne dans le cinéma, qui sont de 12,5% de ce chiffre d’affaires, seraient réduits de presqu’autant. Soit une perte de 80 millions € par an pour la production cinématographique française.

Par ailleurs Vivendi créerait Canal+ sport, qui reprendrait l’offre de sport de Canal +, avec, là encore, un tarif réduit, plus compétitif pour les abonnés qui ne s’intéressent qu’au sport.

Pour les abonnés qui s’intéressent aux œuvres audiovisuelles et au sport, une offre groupée au même tarif que celui de Canal+ actuel serait proposé. Il faudrait que les abonnés s’adaptent à ces trois options, mais, cela fait longtemps que My Canal est devenu un très efficace opérateur d’un bouquet de chaînes sur internet.

En fait, même en matière de cinéma, pour Canal+, comme dans les salles, les films porteurs sont les films américains, les films français n’intéressant que 35% à 40% du public du cinéma. Or, il est très possible que les deux principaux studios, Disney et Warner, quelle que soit la chronologie des médias, réservent leurs films à leurs plateformes de S-VoD. https://siritz.com/editorial/le-beurre-et-largent-du-beurre/

Certes, le fait que Canal+ ait laissé filtrer ce projet plutôt que de le révéler au dernier moment inclinerait à penser que c’est une arme de pression plutôt qu’une intention arrêtée.

Le succès de la série « Squid Game »

Reste que la vraie bataille des programmes, entre plateformes et chaînes, va se faire sur les séries. Et le succès de la série coréenne « Squid game » sur Netflix démontre que, dans ce domaine, la domination de la production américaine n’est pas aussi éclatante. Il est donc possible que les 80 millions € que Canal+ économiserait sur le cinéma soit en partie ou en totalité investi dans les séries françaises ou étrangères. Que pèsent quelques mois dans la chronologie des médias face à cet enjeu ?

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