FIN DE LA MULTIPLICATION DES PETITS PAINS
Par Serge Siritzky
MANIFESTATION DE LA MAUVAISE HUMEUR DE DISNEY
L’annonce par Walt Disney que son dessin animé de fin d’année, « Avalonia, Un étrange voyage », réalisé par Don Hall et Qui Nguyen, ne sortira pas en salle mais directement sur sa plateforme Disney + a fait l’effet d’une bombe dans le cinéma français. Auprès des exploitants d’abord qui espèrent que la programmation de la seconde partie de l’année va ramener les spectateurs dans les salles. Auprès du reste de la profession parce que le compte de soutien est largement alimenté par les films américains. https://www.cnetfrance.fr/news/disney-denonce-la-chronologie-des-medias-et-sortira-son-prochain-film-sur-disney-39943056.htm
Dans un précédent éditorial j’expliquais que Disney n’avait pas intérêt à sortir ses gros films directement sur sa plateforme. https://siritz.com/editorial/baisse-de-la-frequentation-2-explications/
Cette décision dément mon analyse. Néanmoins je la maintiens Il s’agit en fait d’un coup de semonce de Disney pour marquer son mécontentement à l’égard de notre chronologie des médias en France. Ce film, en fonction des précédents films de Don Hall n’aurait pas dépassé les deux millions d’entrées. Il n’a pas du tout le même poids qu’un « Avatar » dont la sortie est maintenue. Disney qui, aujourd’hui, représente 27% des entrées en France, n’a pas participé aux négociations sur la chronologie des médias avec la profession. De ce fait sa fenêtre est passée de 36 à 17 mois après la sortie en salle, mais Netflix, qui a participé aux négociations et signé un accord, est à 15 mois.
Néanmoins Disney estimait inadmissible de passer même à 15 mois quand Canal+ est à 6 mois. A quoi Canal+, comme OCS, répond devoir investir 12,5% de son chiffre d’affaires dans les films de cinéma français et non 4% comme la S-VoD. Par ailleurs Disney trouve inadmissible de devoir fermer sa fenêtre d’un film qu’elle a pré-acheté quand débute celles des chaînes gratuites qui l’ont pré-acheté. Sa fenêtre n’est donc que de 5 mois.
LA MULTIPLICATION DES PETITS PAINS
En réalité, l’enjeu est beaucoup plus fondamentale : jusqu’ici les producteurs ont pu bénéficier de la multiplication des petits pains. Ils ont ainsi réussi à obliger la S-Vod a contribuer à leur financement alors que ces plateformes sont très peu intéressées par le cinéma. Et ils ont réussi à maintenir les obligations des chaînes payantes et gratuites alors que, certainement sur les chaînes gratuites, le film de cinéma français, à quelques exceptions près, n’est plus du tout le programme-locomotive qu’il a été. Et, en salle, les films américains à eux seuls représente 55% du marché.
Avec toutes les sources de financement, notamment les obligations d’investissements des chaînes et des plateformes ainsi que les divers avantages fiscaux, un producteur habile peut être bénéficiaire avant qu’un film ne sorte. Le moment approche où le cinéma français va devoir se repenser pour redevenir un loisir populaire et culturel collectif. Son économie devra un jour ou l’autre reposer de nouveau largement sur les entrées en salle et les exportations.
Sinon les studios américains, Disney en tête, mais peut être bientôt Warner, si HBO MaX arrive en France, montreront qu’ils peuvent mettre le cinéma français à genoux en sortant leurs films directement sur leur plateforme. Ils perdront le marché salle de la France, le premier d’Europe, mais sauront que ce ne peut qu’être provisoire, car ils ne seront pas négligés longtemps. Bien entendu, Canal+ en profitera alors pour casser son offre en deux, l’une cinéma et l’autre sport et séries. Le chiffre d’affaires, et donc l’investissement de la première dans le cinéma, s’effondrera.
Le temps de la fin multiplication des petits pains s’approche. Raison de plus pour réfléchir à de profondes transformations.