Des principes aux mesures concrètes
Par Serge Siritzky
Quoi qu’il en coûte
Le pays, de chacun d’entre nous au Président de la République, s’adapte ã cette situation de guerre. L’Etat interviendra « quoi qu’il en coûte » pour permettre aux entreprises, aux salariés, aux familles et aux services publics de passer ce cap difficile, sans sombrer. Mais après avoir affirmé un principe, il faudra le mettre en œuvre concrètement dans de multiples cas de figure.
Par exemple, en ce qui concerne la fermeture de salles, le chômage du personnel sera pris en charge par l’Etat. Mais les exploitants ont des frais généraux, dont, souvent, des loyers qu’ils auront du mal à payer sans recettes. Est-ce que le non paiement de la TSA sur les recettes des semaines passėes sera suffisant ? Ou faudra-il faire appel à un soutien bancaire exceptionnel ? Dans les deux cas, cela allègera la trésorerie, mais ne compensera pas la perte.
Sorties interrompues ou reportées pour les distributeurs et tournages interrompus ou décalés pour les producteurs
Pour les distributeurs, deux articles de la rubrique Cinescoop montrent ã quel point c’est un terrible coup dur pour les films qui venaient de sortir. Mais des films sortis depuis plus longtemps et encore ã l’affiche, ne pourront pas non plus atteindre l’équilibre. Les films récemment sortis, quand les salles vont rouvrir, vont-ils reprendre leur exploitation ? Si la réouverture a lieu fin avril, les films ayant bien démarré ne devront-ils pas relancer une campagne de promotion qui pèsera sur leurs rėsultats ? Il ne semble pas que le gouvernement ait prėvu d’indemnisation. D’autres films auront du mal ã retrouver des ėcrans, et, de toute façon, une relance de la promotion ne serait pas rentable. D’où le fait que le CNC envisage la possibilité de ne pas faire respecter le dėlai de 4 ou 3 mois pour la sortie en VoD et DVD. Mais, sauf cas particuliers, ces recettes DVD et Vod sont infinitésimales par rapport aux recettes salles.
Pour les films qui allaient sortir en salle, ils pourront sortir directement en VoD et DVD. Mais les distributeurs devront rembourser les aides reçues pour la sortie cinéma. Certains pourront ensuite sortir en salle, mais sans bénéficier du soutien automatique.
Mėmes questions pour les productions de cinéma et de tv, en tournage, en préparation ou en post-production. Certes les intérimaires seront en chômage payé pendant la période d’arrêt. Mais est-ce que le contrat sera juste suspendu pour reprendre ? Ou comédiens et techniciens pourront-ils commencer un nouvel emploi, prėvu ã cette date par un autre contrat ? Si ces questions sont laissées ã des arbitrages au cas par cas on va vers la confusion la plus totale.
En fait, il semble que le gouvernement et le Parlement vont devoir se pencher au plus vite sur la question et voter une loi considérant cette situation sanitaire et les mesures de confinement comme un cas de force majeur le déclenchement des assurances. Mais si celles-ci ont ã prendre en charge le coût de la suspension d’activité, puis à couvrir le risque d’épidémie, c’est leur équilibre économique qui risque d’être en cause.
Canal+ crée un problème
Ainsi, chaque jour on dėcouvre de nouveaux problèmes et il faudra improviser des solutions.
L’un d’entre eux a ėtė créé de toute pièce par Canal + qui a dėcidė de diffuser tous ses programmes en clair pendant le confinement, y compris les films de cinéma. Dès mercredi dernier la chaêne a donc fait fi de la chronologie des médias, que l’industrie et Canal+ ont mis des années à élaborer, en diffusant des films de cinéma en clair dans sa fenêtre privilégiée. Et ce, sans en avoir informé les chaînes gratuites concernées. La chaîne va recommencer cette semaine (voir Cinescoop). Le CSA a été saisi et a autorisé Canal+ a poursuivre cette transgression jusqu’au 31 mars.
Dans Le Carrefour, maître Gerald Bigle, a accepté d’analyser le droit dans le cas d’une transgression de ce type. Comme on le voit les sanctions pourraient être très lourdes. En tout cas on ne voit pas quelle » force majeur » contraindrait Canal+ à cette transgression.
En outre, au-delà de l’aspect juridique, il faut rappeler que le gouvernement va faire voter une loi rėformant l’audiovisuel, pour, notamment, soumettre les plates-formes internationales à notre réglementation. Ce n’était pas le moment, de la part de notre instance de régulation, de réagir avec une telle mansuétude à l’égard d’une transgression par un des nos principaux acteurs d’une règle essentielle qu’il a contribué à mettre en place.
Enfi, le gouvernement a obtenu que Disney retarde son lancement pour ne pas saturer nos réseaux de transmission alors que Canal+ augmente la consommation des téléspectateurs en étendant sa réception à l’ensemble des français.
DISPARITION DE PATRICK LELAY
La semaine dernière a vu la disparition de ce fantastique manager de TF1 privatisé, qui en a fait la première chaîne française et la première chaîne européenne. pour quelqu’un comme moi c’est énormément de souvenirs, et de bons souvenirs.
Le 23 mars 2020