DÉMISSION DE L’ÉTAT DANS L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Par Serge Siritzky
La conflagration qui va frapper la France tient en grande partie au fait que de grands pans de notre économie sont gérés en dépit du bon sens. Prenons un petit exemple qui concerne notre enseignement supérieur privé et que le remarquable rapport sur l’enseignement supérieur à but lucratif, de deux députées (Mme Béatrice Descamps et Estelle Folest) de l’Assemblée nationale sortante, vient de souligner https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b2458_rapport-information.
L’ensemble de notre audiovisuel est concerné parce que ce secteur en pleine expansion, car il a besoin d’un nombre croissant de professionnels bien formés. Il est donc de ceux susceptibles de contribuer à la multiplication des emplois et la réduction du chômage. Or, parce que l’État ne joue pas correctement son rôle dans l’enseignement supérieur privé, celui-ci contribue probablement â la multiplication des chômeurs. Il faut savoir que si l’enseignement supérieur privé est en plein expansion c’est que l’enseignement supérieur public n’est pas en mesure d’absorber tous les bacheliers qui veulent acquérir une formation supérieure. Le privé joue donc un rôle croissant (actuellement, en moyenne, plus de 25% des étudiants).
Malheureusement l’État n’a pas mis en place les outils qui permettraient de garantir que chacun de ces enseignements privés est à la hauteur de ce qu’il promet aux élèves. C’est à dire que chaque école dispense un enseignement qui soit du niveau de ce que demande le secteur audiovisuel. Et que les formations dispensées garantissent un taux raisonnable d’emplois. Ce contrôle est pourtant une fonction régalienne d’un ministère de l’enseignement supérieur.
Le rapport souligne « des dérives préoccupantes qui témoignent de l’absence de régulation du secteur privé lucratif et d’une protection insuffisante de l’étudiant-consommateur. Les alertes en la matière, qui vont de l’information lacunaire à des cas d’escroquerie en passant par des faillites au milieu de l’année universitaire, semblent se multiplier. Les enquêtes de lasDGCCRF font état de nombreuses pratiques illégales. »
Concrètement cela veut dire qu’un nombre croissant d’écoles privées proposent de faux diplômes, qui ne sont pas certifiés par le ministère de l’enseignement supérieur, ni même par le ministère du travail. Ainsi se multiplient les écoles qui permettent d’obtenir un « bachelor », diplôme qui n’est pas reconnu en France. Or, les écoles privées ne sont pas obligées de fournir « des informations sur la reconnaissance, les processus d’évaluation associés et la signification des diplômes ou certifications proposées. Ni sur la possibilité ou non de poursuite d’études à l’université ou dans une autre école. Ni sur la possibilité d’accès aux bourses. »
De même les écoles ne sont pas tenues de fournir des informations précises et à jour sur la carrière de tous les élèves qui en sont sortis, alors que les grandes écoles du privée le font spontanément, tout simplement parce que ces données leur sont favorables.
Ce qui est le plus grave c’est que les écoles qui ne respectent pas ces règles représentent une part croissante de l’enseignement supérieur privé. Car elles s’engouffrent dans une faille laissée par Parcoursup. En effet, les écoles publiques ou privées qui délivrent des diplômes certifiés par l’État doivent attendre le début juin pour que l’État leur indique les bacheliers susceptibles d’accéder à leur enseignement. Alors que celles qui délivrent un « diplôme » non certifié n’ont pas à attendre cette date. Et un nombre croissant d’élèves préfère avoir tout de suite la certitude d’accéder à une école du supérieur, dès qu’ils auront leur bac, plutôt sue d’attendre jusqu’en juin.
Or les entreprises de l’audiovisuel recherchent des diplômés dont la compétence est assurée plutôt qu’un jeune avec n’importe quel parchemin. Et voilà comment, parce que l’État ne joue pas pleinement son rôle, il permet à des entreprises s’enrichirent en fabriquant de futurs chômeurs.
Il faudrait au plus vite commencer par supprimer cette faille de Parcourus. Mais, à l’aube des législatives il semble que les partis d’opposition veulent plutôt réduire les contrôles que les augmenter. Un peu comme on avait réussi à obtenir 80% de bacheliers en abaissant le niveau du bac.