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L'édito de Serge
Serge Siritzki

CONCENTRATIONS DANS L’INDUSTRIE DES ÉCRANS

Par Serge Siritzky

RENDUES INÉVITABLES PAR LE POIDS DES GAFA ET DE LA S-VOD

Le projet de rachat du groupe M6/RTL par le groupe TF1 illustre l’inévitable recomposition de l’industrie audiovisuelle à l’heure de l’élargissement de l’industrie des écrans. https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/31/rtl-m6-pencherait-pour-l-offre-de-rachat-de-tf1_6075090_3234.html Sur le marché de la télévision française cette fusion rendrait le groupe ultra-dominant. Mais, de nos jours, le marché de la télévision n’est qu’une partie décroissante de l’industrie en pleine croissance des écrans. Par exemple, en matière d’audience comme d’acquisition de programmes, TF1 et M6 sont en concurrence avec France télévisions, Canal+ et OCS mais aussi avec Netflix, Disney +, Amazon prime, Paramount + et, bientôt, HBO Max et Apple TV.  Sur le marché de la publicité toutes les chaînes françaises sont en concurrence avec Google et Facebook à côté desquels elles sont des nains.

Mais, même en fusionnant, elles resteront des nains. Néanmoins, alors que leur chiffre d’affaires publicitaire va inévitablement et régulièrement décliner, TF1 et M6 fusionnées vont pouvoir réaliser des économies d’échelle et, donc réduire leurs coûts pour maintenir, voire augmenter leurs marges. Ces réductions de coûts ne devraient pas porter sur les programmes, sinon elles accélèreraient leur déclin relatif face aux plateformes de S-Vod.

TF1 et M6 ont déjà créé une plate-forme de S-Vod avec France télévisions, Salto, qui, à ce jour ne semble pas véritablement réaliser une percer. Elle ne le ferait que si elle proposait des contenus exclusifs très porteurs.

D’une manière générale, les GAFA et les plateformes américaines de S-VoD ont un avantage structurel, c’est qu’ils ont une couverture mondiale. Pour l’acquisition des programmes et attirer les plus grands talents, elles ont donc des moyens considérablement plus importants que les acteurs nationaux européens. C’est ainsi que c’est Netflix qui va diffuser le prochain film de Jean-Pierre Jeunet, de Dany Boon et de Jane Campion https://siritz.com/financine/razzia-de-netflix-sur-les-films-de-cinema/

Par ailleurs, la fusion de TF1 et de M6 s’inscrit dans un mouvement mondial. Ainsi, aux États-Unis Disney a racheté Fox, tandis qu’ATT va faire fusionner Warner Média avec le groupe de chaînes de Discovery. Et Amazon est en train de négocier le rachat de MGM.

Il est dommage que les grands groupes européens aient renoncé à s’unir pour se mondialiser. TF1 et M6 envisagent de fusionner par ce que Bertelsmann a décidé de se retirer de la France. Mais c’est que l’Europe est un agrégat de cultures différentes alors que la culture américaine est une culture mondiale. N’oublions pas que les films américains réalisent 55% de la fréquentation des salles françaises, alors que notre production, qui est de loin la première d’Europe, en réalise à peine 35%.

La France va imposer aux plateformes américaines d’investir un pourcentage de 20 à 25% de leur chiffre d’affaires dans les œuvres françaises. Or, comme on le sait, elles ont déjà commencé à investir massivement dans nos œuvres.  L’État prévoit deux obligations qui les gêneront. D’une part cet investissement ne devra concerner que la diffusion en France. Mais, si cela les intéresse, elles seront de loin les mieux placées pour rajouter un complément et acquérir les droits mondiaux. Ou bien elles pourront aussi inciter ces films à se faire en coproduction avec un pays étranger dont le producteur leur cèdera les droits mondiaux. D’autre part, 20% de cet investissement devra porter sur des films de cinéma qui sortent en salle et respectent une chronologie des médias qui donnera une priorité à Canal+. Alors qu’elles recherchent surtout des séries et exceptionnellement des longs métrages. Néanmoins, elles auront les moyens, sur les films les plus porteurs, d’augmenter leur apport pour que le producteur se passe de celui de Canal+.

A coup sûr, les grands gagnants de ces évolutions seront les talents et les producteurs qui vont bénéficier d’une augmentation du nombre de leurs diffuseurs et d’une explosion de la demande de contenus.

En conclusion le nouvel encadrement que les pouvoirs publics cherchent à mettre en place ne doit pas tenter d’entraver l’inévitable évolution économique. Il doit le réguler pour en optimiser les effets du développement.

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