MAIS OÙ SONT LES 3 MOUSQUETAIRES ?
LE MARKETING DOIT ÊTRE AU SERVICE DE LA FICTION ET NON L’INVERSE
La noblesse de Jean Aurenche en fin d’épisode 2 résumait une digne évidence pour résister aux producteurs hiérarchiques et aux monarques du “temps de cerveau disponible“, qui ne parlent que de « marques, personnages constitutifs et fédérateurs, FRDA-50, sujets non segmentants, inspirationnels, identificatoires et transgénérationnels ». Oh là, on se calme ! https://siritz.com/cinescoop/les-mousquetaires-de-laudiovisuel/ .
https://siritz.com/cinescoop/y-a-t-il-encore-un-realisateur-dans-lavion/
On est tous d’accord à 100% sur l’évidence qu’on ne peut pas faire une bonne série sans penser au public. Mais comment faire comprendre aux oligarques qu’on ne peut pas réussir une fiction si on ne pense qu’au public ?! Le marketing doit être au service de la fiction, et non l’inverse…
Portos, Athos, Aramis mais aussi d’Artagnan !
Alors, une belle fiction, c’est l’œuvre de trois mousquetaires : Porthos, un producteur créatif et battant, Athos, un scénariste d’envergure, et Aramis, un réalisateur expérimenté. J’ajoute aussi un d’Artagnan potentiel, le conseiller de programmes passionné et cultivé (il y en a) qui défendra leur projet au palais du diffuseur face aux vigiles armés du marketing d’audience. Les mousquetaires soudés génèrent une créativité collective au service d’une série ou d’un film. Mais attention : aucun d’eux ne doit se prendre pour le cardinal de Richelieu ou la Milady de Winter et s’approprier les décisions…
Le vrai bon modèle est celui d’Un Village français, avec le duo d’origine Jean-François Boyer-Emmanuel Daucé, devenu un quatuor avec Frédéric Krivine et Philippe Triboit, soudés comme des mousquetaires, d’où le titre du feuilleton. Rêvons un peu ,mais ne serait-ce pas une belle variante du showrunner version française avec un final cut collectif ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_village_français
Le village français est un modèle
https://siritz.com/le-carrefour/emmanuel-dauce-producteur-de-series/
Et pour ceux qui douteraient encore de l’entente nécessaire, lisez Anne Landois, directrice d’écriture récompensée d’un Emmy Award 2015 pour Engrenages. En évoquant le développement de sa série La Promesse qui a triomphé en janvier 2021 et qu’elle a dirigée comme scénariste, showrunneuse et coproductrice, elle avait dit : « Aujourd’hui, nous avons besoin de travailler ensemble. Je prépare le tournage d’une minisérie que je produis pour TF1 et je travaille main dans la main avec la réalisatrice. Nous échangeons beaucoup en respectant la place de chacune. Nous avons besoin l’une de l’autre. »
Générique de fin. Arrêtons les duels de territoires
Coluche disait « La hiérarchie, c’est comme les étagères, plus c’est haut, plus c’est inutile ». La fiction anglaise ou scandinave ignore le bonapartisme hiérarchique à la française. Les mots d’Anne Landois et la réussite mondiale de certaines de nos séries nous prouvent que la France en est capable. Une évidence qui devrait être prioritaire dans notre fiction de la décennie qui commence.
Alors, arrêtons les guéguerres de territoires. Cessons de vouloir nous mettre les uns les autres sous bracelet électronique. Amis scénaristes, oubliez vos frustrations, résistons ensemble. Ou réalisez, certains d’entre vous le font avec joie et talent. Amis diffuseurs et producteurs ambitieux, soyez artistiques, replacez l’audace en tête de liste devant l’audience et les dividendes, et vous serez gagnants car les trois sont compatibles. Amis réalisateurs de télévision, résistez en séries. Amis du cinéma, partagez avec élégance votre talent sans négliger les scénaristes et réalisateurs de télévision.
Brisons ce mur germanopratin entre le cinéma 7ème art et la fiction de télévision qui ne serait que de la série B, un sous-genre avec des “téléastes“. Le scénariste de télévision n’est pas un ersatz, et le réalisateur de télévision qui tourne en 9 jours un épisode 52’ avec un incendie de forêt ou un film de 90’ en 20 jours dans la savane, est souvent bien plus aguerri qu’un cinéaste qui aurait 30, ou 35 jours ! Les talents sont partout. D’impressionnantes mini-séries audacieuses dépassent en écriture et mise en scène bien des films de “cinéma pop-corn“ endormis sous la couette de leurs subventions.
Enfin, partageons notre créativité avec un peu d’humour en préférant le “show-rieur“ (showrunner en québécois) au “show-râleur“ (showrunner en parisien). Et donnons surtout plus souvent les commandes aux “show-reinettes“ créatives, calmes et expérimentées.
Respectons-nous. Unissons nos associations et syndicats pour apaiser les aigreurs et surtout pour éradiquer les arnaques ou les horreurs humaines que racontent les témoignages du site Paroles de Scénaristes. Cessons de nous “désister“, il n’y a qu’une lettre à changer pour passer à “résister“.
Pour paraphraser Stéphane Hessel plus que jamais d’actualité dans le monde actuel :
« Résister ensemble, c’est créer. Créer ensemble, c’est résister ».
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PS : Pardon de cette chronique au masculin, je n’aime pas l’écriture inclusive, mais il y a beaucoup de productrices, scénaristes (mot “épicène“ mixte) et réalisatrices qui ont du courage et un grand talent !