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L'édito de Serge
Serge Siritzki

DÉJÀ EN RETARD D’UNE GUERRE

Par Serge Siritzky

Analysant les résultats des élections américaines lors du dernier sommet européen, le président Macron a rappelé à ses collègues que, dans un monde composé d’herbivores et de carnivores, mieux vaut être un carnivore qu’un herbivore. Un de ses collègues lui a répondu que le plus puissant animal de la terre, qu’aucun carnivore n’ose attaquer, est un herbivore : l’éléphant. Une remarque qui signifiait à l’évidence que la survie des pays européen dépendait de leur volonté de faire de l’Europe la première puissance économique, politique et militaire du monde. Or, on peut ajouter que cette volonté se manifestera dans leur capacité à être une véritable puissance dans le monde audiovisuelle et cinématographique.
En effet, si les États-Unis ont toujours réussi à être la première puissance du monde dans ces trois domaines, c’est qu’ils ont toujours eu celle d’être la première puissance du monde dans ce dernier secteur. Ainsi, en 1948, ils ont conditionné le Plan Marshall d’aide économique à la reconstruction de l’Europe aux accords Blum-Byrnes, obligeant les pays bénéficiaires à la libre diffusion des films américains qui allaient répandre la vision américaine du monde aux populations européennes.
Les pays européens ont rėagi en soutenant leur cinéma. La France l’a fait avec la stratégie la plus performante, car elle consistait à soutenir non seulement la production des films français, mais aussi la diffusion de ces films en soutenant les distributeurs et les exploitants français. Cette stratégie a ensuite été adoptée pour la télévision. Puis l’Europe a soutenu les coproductions européennes dans le cinéma et l’a télévision, pour contribuer à créer une culture européenne.
Mais les chaînes de télévisions sont nationales. Or, elles sont désormais en concurrence avec des plateformes à diffusion internationale, qui  ont toutes leur siège aux États-Unis. Face à elles, les télévisions et le cinéma européens, comme toutes les chaînes de télévision américaines et même le cinéma américain sont des nains. Et ces plateformes sont des nains comparées aux réseaux sociaux qui, eux aussi sont tous implantés aux États-Unis. Et le propriétaire de l’un des plus puissants d’entre eux, Elon Musk, principal soutien de Donald Trump, ne voit rien de mal à ce que les algorithmes de X favorisent les mensonges, la haine et la violence puisque c’est ce qui assure la plus forte audience de son réseau.E.t, en fait, sans le reconnaître aussi clairement, les autres réseaux sociaux ont la même philosophie
La France est sans doute le pays européen le plus conscient de ce défi, comme le prouve le rapport commandé par le CNC sur « Les équilibres de l’industrie audiovisuelle et cinématographique à l’heure des grandes plateformes de vidéo à la demande ». Mais ce rapport est déjà en retard d’une guerre puisqu’il ne parle pas des réseaux sociaux et qu’il ne fait pas allusion à You tube qui se présente déjà comme la première chaîne de Tv de France.
Certes, pour l’instant ces réseaux sociaux ne produisent pas des œuvres. Mais s’ils asphyxient tous ceux qui en diffusent, ils deviendront bientôt les maîtres de la création comme ils sont en train de devenir les maîtres de l’information.
Si nous acceptons de reconnaitre cette réalité, restera ensuite à convaincre nos partenaires européens qu’ils ne seront plus que de petits herbivores dans un monde de carnivores s’ils ne savent pas gagner cette bataille des médias. Or, la plupart d’entre eux se contentent d’aider au mieux la fabrication d’œuvres sur leur territoire, sans même se préoccuper de savoir qui les initie, ni surtout, qui les possède et en contrôle la diffusion. Quant aux réseaux sociaux ils les assimilent à des conversations téléphoniques qui, pour des démocrates, doivent rester libres. Réveillons-nous. Et faisons de l’Europe un éléphant dans ce monde de carnivore.

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